Une enfant de 12 ans profite comme si elle n’en avait pas le droit du piano mis à disposition pour égayer la gare. Elle enchaîne quelques notes timides un peu au hasard sur le clavier. Renonce au bout de quelques minutes (on comprend sa frustration).
Puis un virtuose de gare vient enchaîner des accords pas forcément structurés, façon Keith Jarrett qui aurait pris de la coke. Elle est assise à côté, sagement. Elle regarde.
Une personne assise au loin. Je me réjouis de ses mèches vert pomme.
Ah non, c’est une feuille de la verdure qu’un poteau me cachait.
Un type demande un ou deux sous à une personne près de moi. Je suis dans une zone de chaises longues, postures bourgeoises à l’entour. Il évite le coin — l’expérience je suppose — et va quémander plus loin à une terrasse de café photocopiée comme on trouve dans toutes les gares.
Il gesticule, debout à une table de voyageurs. De loin on croirait qu’il s’énerve, voire s’engueule. Après l’avoir croisé de près, je suppose qu’il leur explique son malheur.
Puis il retourne errer en parlant à qui passe à portée de voix.
Au piano est maintenant une fille au look bien sage, façon conservatoire, qui joue quelque chose de classique. Son toucher est très léger, je pense à Agnès Obel et à Sinéad O’Connor dans un morceau dont le nom ne me revient pas.
Elle cède la place à un mec avec un air de rappeur qui joue une adaptation très belle de We are the World, puis reprend sa place.
Voilà qui finit bien ce moment suspendu. Je vais prendre mon train avec un petit sourire à l’âme.