Aujourd’hui la petite communauté des gens qui veulent bien faire le Web a appris le décès de Molly Holzschlag survenu hier. Ça fait toujours un choc.
Molly était une des personnes les plus influentes de la communauté, elle a été de tous les combats qui ont rendu le Web plus facile et plus inclusif. Standards, compatibilité, gueulantes franches contre la « guerre des navigateurs », capable d’aller dire en tête à tête à Bill Gates ce qu’elle reprochait aux choix faits pour Internet Explorer, rappel systématique que le Web doit être pensé pour tous, et j’en passe.
Pour ma part, je ne sais même plus quand j’ai commencé à la suivre, au tout début des années 2000. Elle avait co-dirigé avec Bruce Lawson le livre Usability : The Site Speaks for Itself, une référence pour l’époque que j’avais lue avidement (quand le terme UX n’existait même pas encore).
(Merci Bruce de m’avoir renvoyé cette photo de la couverture !)
Elle a eu une tonne de galères dans sa vie, notamment quand elle s’est retrouvée le couteau sous la gorge à cause d’un cancer et d’un système de santé abscons aux États-unis qui vous laisse le choix entre vendre votre maison pour payer vos soins, ou mourir un toit sur la tête — système qu’elle n’a eu de cesse de dénoncer (et vers lequel se dirige la France à grands pas mais c’est une autre histoire). Elle a même dû se résoudre à vendre le domaine qui était sa signature, molly point com (n’allez pas voir, c’est devenu autre chose) pour financer ses soins.
Et malgré tout ça, et ses découragements que nous préférerons ne pas raconter parce que c’est du passé, elle a porté haut le flambeau du web de qualité.
J’étais un fan et j’ai dû laisser un commentaire sur la plupart des articles de son blog à l’époque, et en même temps tellement intimidé que je n’avais pas osé l’aborder lors de la conférence @media 2005 à Londres. Heureusement, le destin farceur m’a donné l’extrême chance de finalement rencontrer Molly.
Nous l’avions invitée pour venir parler à Paris Web 2006, mais les circonstances ne l’avaient pas permis. Qu’à cela ne tienne, elle est venue en 2009, pour notre plus grand plaisir.
(Recadrage d’une photo de Thanh qui j’espère me pardonnera.)
Quelques anecdotes
Deux souvenirs me reviennent.
D’abord, une descente d’escalier dans l’hôtel des orateurs, je passe devant l’escalier pile à ce moment-là, je lève la tête, et timidement je dis : « Molly ? C’est Stéphane. » Elle s’exclame : « Salut Stéphaaaane ! », se jette des trois dernières marches dans mes bras et me serre puissamment ! Le bonheur de rencontrer les gens dans le vrai monde quand on se connaît depuis des années en ligne !
Ce même soir, nous avons fini à une poignée dans le hall de l’hôtel, où un gardien complaisant nous a laissé bouger tous les canapés pour faire un petit cercle joyeux et bruyant, et nous avons parlé et ri bruyamment jusqu’à pas d’heure ; une de ces fois où tu comprends vraiment que cette communauté est ta deuxième famille. Molly tenait bien sa place dans ce cercle, elle a plaisanté inlassablement toute la soirée !
Une personnalité qui marque
Molly était une personnalité fantasque, franche, épatante d’énergie inextinguible malgré toutes ses galères. Avec quelques autres grands noms, notre communauté doit beaucoup à la “fairy godmother of the web” (la « bonne fée du web »).
C’est aussi Molly qui m’a appris l’chaim.
Alors voilà. Merci Molly, et l’chaim.