Malgré moi j’entends la fin d’une discussion sur un quai de gare :
« Oui, le mieux, le bien, oui… »
(Ils parlent du fameux dicton « le mieux est l’ennemi du bien. »)
« Oui, le mieux, le bien, oui, d’accord. N’empêche que le mieux, ça éloigne quand même plus du pas bien que le bien, non ? »
Le bon sens ! Alors me reviennent à l’esprit les discussions de Coluche avec son orchestre (« un homme averti en vaut deux »).
Elle est brune, colorée en roux sombre, forte couleur trahie par les racines des cheveux qui ont repoussé.
Elle sort de son sac un cookie enveloppé dans un papier de boulangerie, l’ouvre précautionneusement en rentrant les coudes sur son siège dans ce RER surpeuplé, et grignote du bout des doigts.
Son image se superpose à celle d’un écureuil ; c’est d’autant plus frappant qu’elle jette des coups d’œil furtifs autour d’elle, qu’elle rougit quand on la regarde malgré ses joues incroyablement pâles.
Et puis, son butin consommé, elle ouvre une bouteille de Coca, et le rêve éveillé s’envole.
Ce matin en attendant le train qui m’emmène dans l’autre sens, je regarde tomber une petite neige glacée et dure. J’entends l’infime crépitement sur ma capuche, et je bénis la précision de mes appareils auditifs.
J’ai changé de travail depuis un mois, pas vu le temps passer. Je commence à retrouver mes marques dans le quotidien, et donc à reprendre mes notes de voyage.
Le symptôme est peut-être là, dans l’angoisse de la non-tâche. Quand nous disons que nous sommes trop occupés, nous cachons peut-être une angoisse de n’avoir rien à faire. C’est simple pourtant. Il n’y a pas de précipitation à l’écriture. Il est possible de laisser place à la réflexion, à la rêverie. Prendre le temps de rêver, de vivre, d’être ivre de son état de suspension, il faut l’apprendre.