Ce dimanche soir, on reste avec sur les bras le dépit de voir qu’il ne reste que le choix d’un néolibéralisme décomplexé qui insulte les pauvres et leur arrache les yeux s’ils vont manifester ou d’un racisme tout aussi décomplexé.
En 2002 j’y croyais encore, maintenant c’est moins sûr. (Et puis Chirac a eu le bon goût de ne pas pérorer au soir du deuxième tour, il savait que ce n’était pas tant un plébiscite que le refus du fascisme. Macron a fait semblant de rien en 2017, tu crois qu’il sera plus sage en 2022 ?)
Tout le débat politique a été confisqué par une majorité de médias qui ont joué à commenter tout ça, une fois de plus, comme du spectacle de catch. L’outsider nauséabond (Éric Zemmour, qui j’espère va retourner dans son trou pour ne plus en sortir) qui vient chasser sur les terres de Marine Le Pen, Valérie Pécresse pas mieux, et puis round après round on n’a à peu près entendu que des « Allez-vous débattre avec untel/unetelle ? ». L’urgence écologique ? On s’en fout. La pauvreté ? On s’en fout, il a suffi d’un cynique « traverser la rue » ou d’un « pognon de dingue » pour la balayer des débats. Il faut dire qu’une certaine tranche de ce pays s’est gentiment embourgeoisée ces trente dernières années [1], j’en fais partie.
Au premier tour j’ai entendu de timides et prudents « J’irai voter Macron », de peur que seuls les fascistes soient encore présents au deuxième tour. J’ai entendu des « Mais ce n’est pas lui qui a commencé à saper l’hôpital ! », et j’ai dû rappeler que si ce n’est pas moi qui ai poussé une personne à l’eau, peut-on alors me reprocher de lui appuyer sur la tête ? Il me semble pourtant que oui.
Je suis allé voter en conscience, à gauche toujours, l’un des seuls deux programmes qui soit et social et écologique. Oui, Mélenchon, et on peut ne pas l’aimer et vouloir tergiverser pour tel ou tel aspect du personnage, on n’aime jamais une personne politique à 100 % (et c’est même salutaire), sauf si on est fanatisé (et ça, c’est loin d’être salutaire), mais à un moment il faut aussi être réaliste et voir l’état du monde.
Mais c’est trop tard, la machine s’est emballée :
Le peuple de ce pays a fait le choix, activement ou passivement selon les convictions de chacun, d’ignorer le naufrage en cours, d’ignorer les alertes omniprésentes, d’ignorer les solutions patiemment étudiées et mises à sa disposition.
Mais ça n’a pas suffi, qu’on soit quelques millions à avoir pensé à tout ça. Les autres ont pensé aussi, crois-le bien. Dans ce pays, une bonne partie des votants a plus à perdre qu’à gagner, à court terme. Unetelle se félicite que ses impôts ont baissé (ancienne fonctionnaire pourtant, le service public souffre pourtant), untel pourrait y perdre, qui a posé la moitié de ses économies dans des actions boursières (ce truc qui n’est plus depuis longtemps lié au travail des gens qui enrichissent l’entreprise mais à des mécaniques virtuelles qui dépassent l’entendement). Alors donc, voilà, dans 12 jours il faudra décider entre le vilain méchant avec son air de premier de la classe ou la très méchante avec son air d’aryenne.
Je n’ai pas encore décidé de voter blanc, les laisser se démerder, puis pleurer les gens qui auront le courage d’aller se faire massacrer dans la rue, ou voter pour le moins pire des deux, qui est déjà en lui-même une des pires choses qu’ait connues notre pays depuis des décennies. J’entends des gens dire qu’ils vont voter blanc, voire Le Pen, « pour que ça pète une bonne fois ». J’entends des gens dire qu’ils vont voter Macron, parce que Le Pen. Je préfère regarder dehors, ce beau soleil qui dans quelques décennies, de plus en plus courtes, signera la mort de millions de personnes parce qu’on n’aura rien fait, trop occupés à se replier sur des frontières hideuses et à taper sur la gueule de ceux qui l’ouvrent.
Trop occupés à regarder le catch à la télé.
(Note : je laisse les commentaires ouverts parce qu’on a le droit de parler, mais ne me dites pas quoi voter ni ne me faites de leçon, je censurerai sans scrupule parce qu’on est ici chez moi ; et si t’es pas content fais comme Cybergrunge et ouvre un blog. Ah et puis aussi c’est écrit vite, peut-être avec des fautes, peut-être approximatif, mais tu m’aimes quand même ?)
Rétrolien manuel : Barrage - Open Time