Résumons-nous :
- Un texte qui menace l’intéropérabilité (on ne sait pas bien quel type d’outils vont être utilisés, mais rien ne promet qu’ils soient fournis pour tous les systèmes d’exploitation)
- Les opérateurs d’accès à internet eux-mêmes disent que ce n’est pas réaliste
- L’APRIL prévient :
la loi risque d’avoir pour effet le développement de pratiques destinées à contourner le dispositif Hadopi, et qui amèneraient les utilisateurs soient à s’habituer à utiliser frauduleusement les accès à Internet de leurs voisins ; soit à s’anonymiser et à chiffrer leurs échanges, noyant les flux des cyberdélinquants au milieux de leurs échanges massifs d’œuvres et compliquant le travail des brigades luttant contre la cybercriminalité ; soit enfin en s’exposant à des logiciels malveillants en tentant de contourner la loi.
- Zataz se fait le relais de La Quadrature du Net :
Le projet "création et internet" est une mauvaise réponse à un faux problème, et sera obsolète le jour même ou il sera voté. Les citoyens doivent informer leur député afin que le débat à l’Assemblée impose les failles et les archaïsmes de cette loi.
- Le Parlement européen, le Contrôleur européen de la protection des données et la Commissaire européenne à la société de l’information et aux médias n’en veulent pas
- L’ISOC montre ce que peut provoquer la loi et je trouve que ce n’est pas tellement agitateur d’épouvantail mais plutôt bien vu
Enfin, toute argumentation que je pourrais tenter serait moins pertinente et moins profonde que ces deux-là :
- Daniel Glazman, dans HADOPI, mon analyse complète :
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Du point de vue sociétal, HADOPI tombe à un bien mauvais moment.
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Economiquement, ce projet est inepte. [...] Protéger deux industries qui ont oublié une loi fondamentale du commerce qui veut que beaucoup de clients à pas cher vaut mieux que peu de clients à très cher est une erreur stratégique grave pour un gouvernement d’essence libérale.
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Politiquement, HADOPI est malheureusement un exemple de ce qu’il ne faut pas faire. Car enfin, comment une Nation qui se targue d’être l’exemple mondial en matière de Droits de l’Homme ose-t-elle légiférer sur une écoute systématique des communications privées de ses citoyens en temps de paix ?
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Techniquement enfin et surtout, le projet HADOPI démontre l’affreuse incompétence des auteurs du projet, et de leurs conseillers techniques. Il est enfantin - j’ai à titre de test expliqué hier soir comment faire à un enfant de dix ans qui a trouvé cela, je cite, "super fastoche" - de contourner les mesures proposées par HADOPI.
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- Élie Sloïm, dans Hadopi : une balle dans le pied :
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Cette observation donnerait les équations suivantes : un CD piraté = une vente de CD en moins. Un film piraté = une personne en moins au cinéma. C’est facile à comprendre, c’est facile à dire, oui, mais voilà, c’est complètement faux, et cela dénote d’une incompréhension totale du renversement de paradigme qu’a provoqué Internet.
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Cette loi s’appelle Hadopi, je n’en veux pas, mes collègues de Temesis n’en veulent pas non plus. Si cette loi était utile et pertinente pour lutter contre le piratage, elle ne me poserait aucun problème. Oui, mais voilà, elle sera inefficace, elle va ridiculiser notre pays, elle va nuire à l’industrie du Logiciel en France, elle va favoriser l’échange de données illégales.
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Donc résumons : une loi bordélique, inapplicable, coûteuse pour le citoyen, aisément contournable par tout un chacun, dangereuse pour les lampistes (autrement dit la majorité des français non technophiles).
J’ai trois anecdotes à ajouter, trois parallèles, appelez ça comme vous voudrez.
Le CD « Copy Control »
J’ai acheté par le passé, avant de décider de les boycotter définitivement, des CD portant la mention « Copy Control ». En clair, le fabriquant de ce CD partait du principe que je risquais de le copier, et donc m’en empêchait par un système connu de lui seul.
Or ce système a un souci majeur, que je n’avais pas décelé au moment de l’achat : un CD « Copy Control » ne marche pas sur mon autoradio.
J’ai donc tout naturellement, comme la loi m’y autorise [1], repiqué l’album en MP3, sans effort en quelques minutes, tout simplement pour pouvoir l’écouter dans les conditions qui m’agréent.
Autrement dit, il est plus facile pour un citoyen respectueux des lois [2] de repiquer un CD que d’écouter l’original, alors même que l’original est acheté en tout bonne foi.
Ce manque de respect envers les clients a forcé la disparition progresive du « Copy Control ». J’ai même vu certains CD que je me suis refusé à acheter ne plus avoir de protection lors d’une réédition. Trop tard, je n’ai plus envie [3].
Les introductions interminables de DVD
Gentil citoyen que je suis, je préfère acheter des DVD plutôt que de regarder des DivX. La vidéo est de meilleure qualité, et j’affectionne la version originale. Je vais donc comme un bon petit soldat écumer les rayonnages des vendeurs du monde réel et en ligne, et nous achetons très très régulièrement des DVD dans mon foyer.
Oui mais voilà : soit on subit un écran bleu avec une espèce de tête vaguement warholienne mal faite et une musique toute moche pour nous dire que le piratage de DVD c’est mal [4] ; soit on subit l’infâme vidéo pleine d’effets After Effect mal digérés pour bien nous faire comprendre qu’un clic sur un ordinateur c’est aussi mal que de crocheter une voiture, puisque lors de la discussion sur la loi DADVSI tout le monde s’est acharné à nous montrer qu’un morceau de musique ou un film c’est comme un pain, si tu me le voles tu es un voleur et tu me mets sur la paille.
Dans le premier cas je ne peux rien faire que de subir cette vidéo qui ne fait pas le bonheur de mes enfants, et je ne sais pas quel est le connard [5] qui a trouvé que c’est une bonne chose d’interrompre à ce point mon plaisir de client, mais il n’a pas d’enfants impatients [6]. Dans le deuxième cas je ne peux pas passer à la plage suivante du DVD. Pire, si je l’arrête pour une raison ou pour une autre (par exemple si mon lecteur DVD se met en veille le temps de la pause) alors je subis à nouveau les effets spéciaux à deux balles.
Bref, dans un cas comme dans l’autre, je me prends à penser que les pirates ne subissent pas ces emmerdements, alors que le gentil et honnête citoyen se les prend en pleine poire. On se prend à s’imaginer en pirate plutôt qu’en honnête citoyen, non ? Ou il n’y a que moi pour penser qu’on marche sur la tête ?
La vidéo à la demande, pour le moment, reste une vaste blague pour nombre de clients
Mon fournisseur d’accès à internet me permet de regarder des vidéos à la demande, merci à lui.
Pour tester le système, j’ai opté pour la rediffusion gratuite d’une émission de la Cinquième.
Je clique, et dans la seconde une facture est émise (de zéro Euros, certes) et aussitôt envoyée à la boîte mail associée à mon compte client ADSL. Alors je suis renvoyé vers la page de visionnage qui m’informe que je ne peux pas voir la vidéo, faute des logiciels suffisants [7].
Vous avez bien lu : je reçois une facture avant même d’avoir profité de la prestation ; prestation dont au final je ne peux pas profiter.
Une chance que j’aie testé avec une émission gratuite, non ?
En conclusion, faisons simple
Les trois exemples que je viens de mentionner montrent bien, je le répète que les limitations techniques pour éviter le piratage n’emmerdent que les gens honnêtes.
Cette loi va elle aussi emmerder le simple citoyen, et ne gênera pas la copie. Elle emmerdera les fournisseurs d’accès, elle coûtera cher, elle sera contre-productive et plus ou moins liberticide. Je vote non au projet de loi internet et création.
(J’avais prévenu que je risquais d’être grossier, mais au bout d’un moment ça devient... énorme)