J’aime vraiment, je l’ai déjà dit, les rendez-vous dans Paris, surtout les matins d’hiver. Vous savez, ceux des froids secs et du soleil clair.
Comme souvent, le rendez-vous est en fin de matinée, et puisque je suis toujours très en avance (on n’est jamais à l’abri d’un impondérable), je sors du métro une ou deux stations avant ma destination, désireux que je suis de sentir et de voir, de prendre un bol de ce que finalement je ne vois jamais.
Ceux d’entre vous qui sont en province croient souvent, comme c’était mon cas avant de rejoindre la région parisienne, qu’on vit tous dans des immeubles, du bruit, de la promiscuité et de l’insécurité. Pour ma part, je suis en grande banlieue, là où l’air est encore clair. Face à l’école des enfants, il y a un champ. Un vrai, labouré, en friches ou plein de blé selon les périodes de l’année. C’est commode pour faire les leçons de choses à ma fille sur le chemin de l’école, que je prends soin de toujours finir à pied. Cette parenthèse juste pour dire qu’au final, je ne vais jamais ou presque à Paris, en tout cas pas plus souvent qu’un provincial. J’en ai profité pour garder ma curiosité de touriste à l’égard de cette ville multiple et toujours surprenante.
Ce matin, passage par le jardin du Palais-Royal, étonné de voir déjà devant l’entrée du Conseil Constitutionnel des collectionneurs attendre l’ouverture à dix heures de la journée « Premier Timbre ». La moyenne d’âge est avancée, mais leur impatience presque juvénile est réjouissante.
Tiens, ils refont la cour dont je ne connais pas le nom, celle des Colonnes de Daniel Buren. Un panneau explique que la rénovation est d’autant plus sérieuse qu’il s’agit d’une oeuvre d’art du Patrimoine Français (oui, madame).
Ensuite, au lieu de tourner directement vers la rue où j’ai rendez-vous, je reste flâner dans le Jardin du Palais Royal et je m’amuse de gamins qui eux aussi sont en avance : au lieu de filer au collège ils ont improvisé une partie de football.
Enfin je flâne le long des magasins qui flanquent le jardin, je ricane devant l’absence de prix en vitrine et le message subliminal que quand on a la classe, on n’a pas besoin de montrer les étiquettes. Le tri dans les clients est fait dès avant l’entrée.
Je marche dans les galeries, et joue en tâtonnant du pied sur le léger relief que les dallages ont fini par former à force d’usure sous les pas des visiteurs de ces deux derniers siècles.
J’échoue au Café des Faussaires, tout naturellement situé en face de... la Banque de France ! J’ai toujours aimé l’humour discret que peuvent avoir certains noms. C’est classieux.
Et puis la vie reprend subitement son cours et mon rendez-vous commence.