En théorie c’est simple : tu as envie de parler d’un truc qui te passionne, et d’ailleurs tu en parles à qui veut bien l’entendre, ou est souvent trop poli pour t’envoyer promener.
Tiens, la dernière fois qu’une jeune fille est venue faire du baby-sitting, elle a eu le tort de dire qu’elle était dans les arts plastiques et que waouh-vous-avez-plein-de-BD. Vers minuit, qu’elle me dit ça. Une heure plus tard, je me suis rendu compte que ça faisait (réfléchissons et comptons avec nos doigts) euh... une heure que je lui parlais, intarissable et épuisant, tandis qu’elle ne rêvait que de se carapater.
Donc forcément quand David me dit, sur le ton taquin qui le caractérise, mi-figue, mi-raisin, mais au fond toujours un peu sérieux (et tu as déjà essayé de lui refuser quelque chose ? je te mets au défi, tiens !) « Dis donc, vieux, quand est-ce que tu m’écris un bouquin, toi ? », j’ai bondi de joie (in petto parce que je suis un garçon discret).
Quelques mois plus tard j’avais beaucoup réfléchi, discuté, soumis des idées deci-delà, et j’ai enfin mûri un plan qui me paraissait solide. David : content. Moi : content.
Et là, le drame.
Qui n’a jamais fait un tel travail ne peut sans doute pas le comprendre : quand tu as passé des mois à penser à ton plan, et quand enfin ton éditeur te dit que c’est bon, vas-y, y’a plus qu’à, tu sèches. Tu as la drôle d’impression de l’avoir fini, et d’avoir tout soudain perdu le manuscrit, et de t’entendre dire « bin voilà, c’est malin, maintenant tu vas tout me réécrire fissa, hein ? »
Nous voilà un an plus tard. Je me suis « mis en retraite » de la plupart de mes activités, et je n’y arrive pas. Une page et demie en un an.
Ridicule.
Je découvre en parallèle qu’un moteur fort de la collaboration en ligne, du blog, du site web, etc., c’est la gratification immédiate. Il suffit de jeter l’idée d’un logo pour Nursit et hop, on est content, on va se coucher.
Donc voilà voilà. Depuis une page que tu me lis, gentil lecteur, je fais le malin (comme d’habitude) mais je n’en mène pas large. Je prends des contacts, je discute avec des gens, mais tout ça n’avance pas.
Je suis en colère, un peu indistinctement, contre la vie qui n’y est pas pour grand-chose finalement et contre moi-même qui ne sais pas avancer comme je le voudrais.