Karl parle de cette boutique à Rouen, liée à son enfance :
À chaque fois que je rentre dans le magasin Heloin rue des carmes à Rouen, ce n’est pas un morceau de chocolat que je viens chercher, mais le souvenir d’une jubilation d’enfant.
Je dis à qui veut l’entendre que, poussé par Bernard Pivot à conserver toute la belle richesse de notre langue, je veux en utiliser la plus grande variété et éviter la terne palette des mots les plus usités [1].
Non, pas l’éviter — pas plus, pour continuer sur cette métaphore, qu’on évite les couleurs primaires quand on embrasse tout le cercle chromatique [2] — pas l’éviter, mais l’enrichir le plus souvent possible, décorer ce qui rentre dans les oreilles en toute immodestie.
Mon fils, à quatre ans, avait surpris sa maîtresse d’école d’un « c’est cocasse » fort à propos.
Mais des phrases lui viennent spontanément aux lèvres, que sa mère utilisait dans le même contexte, des expressions qu’elle n’a pas le souvenir d’avoir utilisées avant, comme « le temps est mou », « il m’a tenu le crachoir », chacun son tour comme à confesse », etc. C’est comme si sa mère parlait par sa bouche et avec elle toute une lignée de gens.
— Annie Ernaux, Les années
Je me rends compte que de plus en plus souvent j’utilise et je défends, en plus de la langue canonique, des régionalismes solognots et même des idiomatismes familiaux.
La famille, autre point de départ crucial de la langue vivante.