Dans le RER une dame assise devant moi sort une clémentine de son sac. Elle la contemple d’un air un peu désemparé puis fouille dans son sac jusqu’à trouver un paquet de mouchoirs jetables pour improviser une nappe de genoux.
Méthodiquement elle épluche le fruit. Dès la première pelure soulevée, le parfum m’atteint. Ça sent l’enfance.
À Invalides je m’arrête dans un couloir, sors mon porte-monnaie de mon sac pour donner un sou à un vieux monsieur qui répète un refrain inaudible à force de l’user : les syllabes sont indistinctes et le ton sotto voce.
Il entreprend de discuter avec moi. « Vous croyez en dieu monsieur ?
— Non. (Je souris poliment et m’apprête à poursuivre mon chemin, on m’attend pour une réunion.)
— Ça ne m’étonne pas. Moi je suis chrétien et… »
Il continue et, dans un bafouillis à peu près aussi inaudible que sa psalmodie, me parle d’un livre « très bien » dont je ne comprends ni le titre ni le contenu [1].
Je finis par sourire poliment derechef, dire que je dois y aller, et m’éloigner. Il continue à psalmodier. Une partie de mon cerveau s’en amuse parce que je suis en train de relire Le rôdeur devant le seuil [2], une autre partie se désole de ne pas prendre le temps de l’écouter. Il a manifestement besoin de parler mais je suis juste en temps.
Je m’éloigne en lui faisant un salut amical.
On aimerait parfois être plus disponible pour son prochain.
J’arrive dans un bâtiment, à la recherche de ma salle de réunion. J’avise un groupe jovial, je m’approche, on me hèle avant que j’aie pu demander quoi que ce soit : « Tiens est-ce que tu peux nous prendre en photo ? »
C’est la cellule d’un syndicat qui se retrouve pour aller tracter dans le bâtiment. Je les prends en photo, hilare : « C’est d’autant plus rigolo que je suis aussi candidat mais sur une autre liste ! » (C’est la période des élections au CSE.)
Tout le monde se marre, on me montre la direction de la salle, et on se souhaite toustes de bonnes élections !