En une petite semaine j’ai participé à deux moments qui sortent franchement de l’ordinaire.
Jeudi dernier j’étais en réunion avec des collègues handicapés. Le midi nous avons tous mangé à la cantine, puis évidemment pris le café. A., une collègue sourde, m’explique alors comment on dit "café" en LSF (j’aime bien, à chaque réunion, apprendre un nouveau mot). C’est alors que B., un collègue aveugle, me demande de lui expliquer quel signe elle a fait. Imaginez-vous donc à ma place, au milieu de gens qui à chaque rencontre donnent malgré eux une leçon de courage, de détermination, d’humilité, décrivant les gestes de l’une à l’autre. Pour finir, imaginez donc un aveugle disant "café" en langue des signes à une sourde. Magique.
Hier soir un jeune dans le RER, avec un air de "je t’emmerde" sur le visage, finit sa bouteille en plastique et, au moment où nous entrons en gare, la coince dans une rembarde. Habituellement je fais comme tout le monde : un regard en coin un peu réprobateur, on peste in petto et on se dit qu’il faut bien que jeunesse se fasse... Mais là, je n’ai pas pu résister (la paternité, peut-être, qui chatouille le nerf de la responsabilité ?). Alors je me penche vers la bouteille, avec un "paaaaardon" traînant, je l’extirpe, je la tends au garçon, et sans aucune agressivité j’explique : "Vous avez oublié ça. Pensez aux gens qui travaillent dans ces trains. Il y a une poubelle à l’entrée de la gare." Le jeune homme, surpris, reste sans voix, prend la bouteille, descend et cherche une poubelle.
Par moments on se prend à rêver à d’autres possibles qu’on n’imagine même pas.