Ce mois de novembre est un des plus beaux que la démocratie française ait connu, entre le débat sur le PACS et la polémique sur les "déserteurs" du Chemin des Dames.
Quand Lionel Jospin a osé dire publiquement que les "déserteurs" du Chemin des Dames, ben, finalement, ils n’avaient pas tout à fait tort, faut pas trop leur en vouloir, après tout c’était déjà courageux, et tout et tout, bon nombre d’hommes politiques de "l’autre camp" (ceux qui lui tapent dans le dos aussi, mais pas en public) se sont très vite insurgés, le Président le premier. Comment ? Mais il insultait la mémoire de nos héros morts pour la France, il insultait la mémoire des grands et nobles généraux qui n’avaient pas lésiné sur l’envoi de chair à canon fraîche émoulue de sa campagne !
Ces messieurs (et dames, n’en doutons pas), sans voir plus loin que le bout de leur nez politique, se sont empressés d’incendier le pauvre Jospin, qui avait eu le tort, non pas de remuer la merde, comme ils le lui ont reproché, mais de reconnaître que l’Etat, comme tout le monde, fait des erreurs. L’Etat est un mec comme les autres, quoi !
Peu après, ou juste en même temps, je ne sais plus (la colère m’égare), le débat sur le PACS à l’Assemblée a failli tourner en bataille rangée : et que je te balance mes dossiers à la gueule, sale [si vous êtes de l’opposition, insérez ici "gaucho", si vous êtes de la majorité insérez ici "réac"].
Pourquoi, principalement, les élus de notre belle nation se mettaient-ils en colère ? Pas un ne m’a vraiment semblé honnête dans ses déclarations. En gros, pour ou contre le PACS, le grand débat citoyen (et ce qui s’ensuivait : comment une démocratie peut-elle assumer le droit à la différence et/ou à l’indifférence qui devrait être de bon ton quand on touche à la vie privée), s’est résumé en quelques mots : tu es de gauche, sois pour, camarade. Tu es de droite, sois contre. Point final. (à part peut-être dans le cas très marginal de Mme Boutin, qui nourrit à l’égard des homosexuels un blocage notoire).
Ainsi donc, je pensais sottement que notre démocratie indirecte nous permettait d’élire des gens qui pensaient, représentaient éventuellement un idéal, enfin, je ne sais pas, moi ! Eh bien non. La démocratie indirecte sert juste à ce que quelques gentils élus résument toute leur intelligence à faire les moutons : c’est mon côté qui propose, je suis pour ! Je suis de l’opposition, je m’oppose ! Et allez donc !
Posons donc les vraies questions, celles qui émeuvent sans qu’ils l’avouent nos hommes politiques : les mutinés du Chemin des Dames et les homosexuels sont-ils donc tous de gauche ? Ben merde. Moi qui pensais que dans un premier cas c’était une affaire de conscience, et dans le deuxième cas un choix de vie (déjà tellement difficile à assumer dans cette société conservatrice qu’il n’était nul besoin d’en rajouter une couche dans l’opprobe).
Mais je n’avais sans doute rien compris. Ou alors je dois être un anarchiste qui s’ignore. J’avoue que mon "démocratisme" s’est pris un coup de vieux, en ce froid novembre.