Ces deux derniers jours j’entends des félicitations parce que je suis français et que des français ont gagné un match de football. Alors je réponds que merci mais je n’y suis pas pour grand-chose.
Comme disait quelqu’un sur les réseaux sociaux, le football c’est une des rares occasions pour les pauvres de regarder des riches travailler. Mais bon, je râle, je râle, mais ces gens ont du mérite : c’est une activité athlétique et parfois même artistique [1].
Après, la liesse populaire, je m’en méfie toujours. Fils de flic un jour, etc. Je n’y peux rien, c’est comme ça, quand les gens sont excités j’ai toujours peur que ça finisse mal.
Et donc, comme j’essaie quand même de changer ma façon d’appréhender le monde depuis une poignée de petites années, je retourne le verre et je mets les doigts dans la partie à moitié pleine (enfin je me comprends). Je vais donc vous parler de deux trucs profondément chouettes que je compulse avec une régularité de machin [2].
Quelques jours avec un menteur, une bande dessinée d’Étienne Davodeau
Une bande dessinée publiée en 1997, quand je n’étais encore qu’à bricoler un site web statique dont je refaisais le design tous les quatre matins au lieu d’y écrire. C’étaient les temps primaux du Web, ceux où l’on parlait avec un type d’un article qu’on avait lu et on découvrait que c’était justement lui l’auteur. Le monde devenait tout petit et c’était fort réjouissant.
Parmi les gens que j’ai rencontrés à ce moment-là, une petite poignée a eu une très grande (et positive) influence sur moi et m’a forcé à me remettre profondément en question. Je n’avais pas vraiment d’espérance (mais pas de désespoir, non non), j’étais assez passif vis à vis du monde, un peu beaucoup flemmard et à la va-comme-je-te-pousse.
Leurs réflexions sont rentrées à ce moment-là, en 1999, en écho de ce bouquin. C’est l’histoire de quelques copains qui décident de se faire quelques jours de vacances dans une baraque de montagne, à l’époque où on n’avait pas de téléphone mobile [3]. Des trentenaires, dont un qui doit nous mentir, puisque c’est dans le titre du bouquin. Alors on scrute, la première fois, pour voir où il se cache. Et puis on relit et on trouve la morale cachée, celle qui dit que si à trente ans tu ne te décides pas à prendre un peu ta vie en main, ce n’est pas plus tard que tu le feras. C’est l’âge où tu peux encore tout envoyer bouler et repartir.
Et en 1999 j’ai quitté mon boulot, ma région, tout ça, pour aller « faire du Web ». Je ne le regrette toujours pas [4].
La vie rêvée de Walter Mitty, un film de Ben Stiller
Ce film, c’est un rêve. Je n’ai pas vu son modèle de 1947, comédie fantasque typique de l’époque, mais j’aimerais bien lire la nouvelle courte qui a inspiré tout ça, un jour.
En France à sa sortie j’en ai peu entendu parler, mais j’étais épaté par les affiches : un type un peu obscur assis sur un banc en haut d’une montagne, le même debout en contre-plongée les pieds dans l’eau, un aileron de requin derrière lui.
Comme je ne suis pas hyper assidu des cinémas [5], j’ai acheté le bluray à sa sortie. Quelle claque. Le scénario de base, le prétexte, c’est que Walter cherche le négatif d’une photo. Or, ne le trouvant pas, il se met à courir après le photographe, un ombrageux Sean Penn qui court le monde. Et au fond, oui, le négatif, oui bon, la photo qu’on en tirera, tout ça est important, un peu. Mais le vrai, le magique sujet de ce film, c’est qu’il faut faire ce qu’on a envie de faire, parce que demain on sera morts.
C’est, j’en suis sûr, ce que fait Ben Stiller (que je ne connaissais que très peu, à part La nuit au musée — le reste, les films post-adolescents américains, bof). Se rappeler qu’on a été enfant, ou adolescent, qu’on avait des rêves et qu’on s’est attaché à les oublier en grande partie. Ne pas oublier de vivre, tant qu’on peut.
Alors, après la dernière tempête qui a secoué ma vie, on a revu une énième fois le film avec mes enfants, on a fait les bagages quelques mois plus tard et on a vu l’Islande en vrai. Un genre de messe à la vie, à ciel ouvert.
Plein d’autres inspirations
Je pourrais parler de beaucoup de choses et de gens que j’aime, et ça serait bien, mais vous avez une vie et moi aussi.
Tenez, en vrac :
- Love actually, merveilleux film qui ne dit pas niaisement que l’amour est partout — je crois que c’est Nicolas qui m’en a parlé la première fois, tiens ! Et tiens, encore un film choral !
- Le garage hermétique de Jerry Cornélius, de Moebius, auquel je reviens tout le temps, pour l’inventivité, le jamais-lâcher, toujours-jouer.
- The Joshua Tree, de U2, machin planant inépuisable.
- Savage de Eurythmics, pour la rage joyeuse [6] et tout aussi inépuisable.
- (Et les gens ? Hé bien les gens je me les garde pour moi, loin d’un inventaire de soirée des Oscars, parce que. C’est de l’intime, les gens. On recausera un jour de l’intime, et puis aussi du « bluff autobiographique », théorie de mon cru que je te conterai autour d’un verre, lecteurice.)
Quand j’étais gamin, j’étais persuadé de pouvoir un jour croiser Charles M. Schultz et Isaac Asimov pour leur dire bonjour et merci. J’ai même encore assez vivement en mémoire le moment fantasmé de ma rencontre avec le premier, c’est marrant, non ? Et puis ils sont morts et maintenant je fais comment ? On ne dit pas assez aux gens l’énergie qu’ils nous inspirent.
Alors maintenant j’écris de temps en temps aux artistes, aux écrivains, aux cinéastes, pour leur dire que les choses qu’ils font sont chouettes. Et des fois ils répondent, et c’est chouette aussi. Inspiration que tout cela, non ?