Futur.e.s in Paris, édition 2018

Une visite à Paris Futur.e.s, exposition sur l’innovation qui s’est tenue la semaine dernière à… Paris, d’où son nom.

NB : Article écrit à quatre mains avec Jennifer Rebesco

Les stands

Dans la Grande Halle de la Villette, des espaces étaient alloués pour permettre à bon nombre d’exposants de faire des démonstrations. Nous ne parlons ici que de celles qui sont en lien avec notre activité (UX pour Jennifer, accessibilité pour Stéphane).

Lecture et langue des signes

Quand on est sourd, l’alphabétisation pose souvent problème. Comment alors transformer l’expérience de lecture pour la rendre accessible aux enfants sourds signants ?

Idée maline de Inclood, ne pas imposer aux éditeurs de devoir faire avec une solution technique complexe (puce RFID ou autres). Simplement proposer de la réalité augmentée : je pointe ma tablette sur le livre, s’il s’anime c’est qu’il est dans la bibliothèque Inclood. Je clique sur l’animation et un interprète me raconte l’histoire en langue des signes !

Dyslexie et scolarité

L’association Ordyslexie se propose d’aider les enfants dyslexiques, le dépistage de la dyslexie n’étant pas toujours fait – et s’il est fait, le corps enseignant reste souvent un peu démuni, faute d’outillage.

Le projet est de tirer parti de Microsoft OneNote, outil de prise de notes mais aussi (surtout ?) très bon moyen d’organiser sa connaissance (en anglais on parle de knowledge management) comme on l’entend, en y ajoutant un « assistant langage », un outil permettant de mieux comprendre la langue, notamment en proposant sur l’axe paradigmatique des variantes corrigées de ce que l’enfant aura noté.

Prototypes open-source

L’école Polytech Lille était représentée par son fab lab, le Fabricarium, qui présente un fauteuil roulant permettant à une personne de se redresser en position debout. L’intérêt de ce projet c’est son coût (200€ pour le prototype) et son mode de diffusion (open source, en bon fab lab).

Pourquoi une personne en fauteuil roulant voudrait-elle se mettre debout, vous demandez-vous ? D’abord pour une question d’autonomie (attraper un truc posé sur une étagère hors de portée, chez soi ou au travail), mais aussi (à notre avis) pour une question de socialisation. Les gens qui discutent hors des salles de réunions le font souvent debout, et c’est aliénant quand on est en fauteuil : votre interlocuteur descend à votre niveau quand il y pense, sans quoi la moitié des discussions se passent sans vous.

Il reste pas mal de travail sur ce prototype, mais les choix techniques sont d’une simplicité épatante (un vrai cric de voiture comme verrin !).

Robot d’assistance

Les robots qu’on voit le plus souvent dans les médias sont soit assez gros, soit très coûteux à fabriquer, soit très complexes à mettre en œuvre (préhension, mobilité sur terrains non plats, etc.). Buddy est ramassé, avec un visage kawai à souhait, et a pour but de fournir de l’assistance domestique (assistance à l’enseignement, présence et monitoring pour personnes âgées, outil de téléprésence, ainsi que d’autres cas d’usage qui le rapprochent d’un smartphone, pour nous plus anecdotiques).

Computer Variations

Comment travailler à plusieurs sur le même projet lorsque l’on utilise des ordinateurs et des logiciels différents ? C’est le point de départ de la réflexion qui a mené Natacha et Sacha, deux jeunes diplômés de l’Ensci (Ecole nationale supérieure de création industrielle-Les ateliers), à réaliser le projet Computer Variations.

Ce projet ré-interroge le statut de l’ordinateur en éclatant ses fonctions de base à l’échelle d’un espace de bureau ou d’un lieu de collectivité et en réinventant l’usage de l’ordinateur et le travail collaboratif. Certains aspects du prototype, imaginés par les deux designers il y a déjà plus de deux ans, nous on fait penser à la Surface Studio de Microsoft. On a aimé l’originalité et la fraîcheur du projet, un vrai coup de cœur !

Les conférences

(Chez Futur.e.s les « Masterclasses », au final, ce sont des conférences dans des petites salles. Magie des mots. Nous dirons donc « conférences » sans suivre la distinction annoncée dans le programme.)

Hacker l’accessibilité des territoires

Conférence très courte, introduction vraiment trop courte du sujet (30 minutes), juste le temps d’émettre des bonnes intentions et de découvrir Jérémie Boroy et Audrey Sovignet, qui creusent des solutions. Le message central, surtout, était de dire que l’accessibilité est une rustine, le premier pas vers la conception universelle.

Quels futurs pour l’innovation en Afrique ?

Cette conférence fut l’occasion d’écouter Stéphan-Eloïse Gras et une de ses collaboratrices nous expliquer en quoi l’Afrique est un endroit passionnant à observer quand il s’agit d’innovation. On a abordé des questions d’innovation frugale – par exemple, quand on n’a pas d’électricité, comment (ré)inventer le réfrigérateur ?

Quand on n’a pas de banque, comment faire pour payer ? M-pesa est devenue la première monnaie mobile au monde en termes de volumes, après le constat que les gens échangeaient en guise de paiement des unités téléphoniques (de « l’air time » comme on dit dans le jargon). Elle est maintenant utilisée par 90 % de la population kényane et dans 30 pays d’Afrique.

Quand on n’a pas de réseau électrique ni beaucoup d’argent, comment fournir des kits d’énergie solaire peu coûteux ? M-kopa fournit des kits solaires domestiques (Kenya, Tanzanie, Ouganda) à déjà 600.000 maisons, et 500 nouveaux foyers s’équipent chaque jour.

Le message fort de cette conférence, c’est que l’innovation n’est pas comme en Occident poussée par une recherche de plus grand confort (tiens, et si je connectais mon frigo pour éviter de l’ouvrir voir s’il y a encore de la salade ?) mais pour des questions beaucoup plus basiques de survie, comme le projet Ushahidi qui a été initié au Kenya à la suite des élections de 2007, pour témoigner des violences et les cartographier.

Les grands défis de l’innovation en Afrique : la difficulté de financement, le peu d’accès à l’éducation, beaucoup d’économie informelle (autrement dit, de la main à la main sans passer par des structures institutionnelles comme les banques ou les états). Pour les oratrices, c’est en tout cas un continent fertile en enseignements dont nous pourrions (devrions) profiter en occident.

Ce que l’art fait à l’innovation

L’artiste numérique Agnès de Cayeux et le photographe Frédéric Mit se sont intéressés à John Watkins Brett, ingénieur anglais qui a porté à bout de bras la première liaison télégraphique sous-marine entre la France et l’Angleterre, et à travers lui interrogent le rapport entre l’art et la science (et l’innovation, donc). On évoque aussi Hedy Lamarr, actrice, aviatrice, férue de sciences à qui l’on doit un système de codage qui a inspiré celui utilisé de nos jours pour la transmission d’informations sans fil.

On comprend comme des choses aussi « solides » qu’Internet tiennent finalement à peu de choses (quelques câbles dans les profondeurs marines), et qu’il faut connaître le passé pour mieux anticiper l’avenir. Deux verbatims qui nous ont marqués, l’un sur l’ancrage du futur dans le passé :

Ce travail artistique se raccroche au passé et à l’histoire. Sans l’histoire, il n’y a pas d’innovation future possible.

Et l’autre, bien nécessaire en ces temps de course permanente contre la montre :

L’art permet de prendre du temps, de regarder, de prendre du recul.

Leur travail a fait l’objet d’une exposition et d’un livre blanc (un exemplaire unique malheureusement), et les photos « Liaisons sous-marines » sont visibles sur le site de Frédéric Mit.

« Salut ça va ? Oui et toi ? » Les chatbots sont-ils limités par notre faute ?

Elisa Piccinini et Thomas Cohu, les deux intervenants de la société Proxem (pionnier français de l’analyse sémantique des données textuelles) ont commencé par retracer rapidement les grandes lignes de l’intelligence artificielle, de sa théorisation en 1950 par Alan Turing au boom des chatbots ces trois dernières années en passant par le programme informatique ELIZA, le premier bot de l’histoire développé dans les années 60. 

Les deux conférenciers qui connaissaient très bien leur sujet nous ont présenté de manière factuelle les conditions nécessaires à réunir pour s’assurer de concevoir un bon chatbot et surtout les limites et les axes d’amélioration sur lesquels il y a encore de travail.

Ce qui fonctionne : 

  • un usage simple pour un répondre à un besoin précis
  • les « 8 lois d’Eliza » : minimiser les questions, avoir une mémoire, prédire et personnaliser, être pratique, répondre de manière immédiate, prévoir une sortie, anticiper l’assistance qui accompagne le bot, n’est pas une ligne de commande.

Les limites :

  • gérer la complexité du langage et des conversations
  • une connaissance du monde limité
  • la barrière des langues 

Jusqu’ici rien de nouveau pour les personnes qui se sont déjà intéressées à ce sujet mais un bon rappel de l’état de l’art. 

La conférence a pris une tournure bien plus intéressante (mais trop courte et superficielle à notre goût) lorsque la vision prospective a été abordée. L’agence conversationnelle prédit que 80% des entreprises utiliseront des chatbots dans leur relation client en 2020. Mais parlerons-nous encore de chatbot dans 20 ans ? 

Nous retenons 3 secteurs / tendances à suivre dans les années à venir :

  1. l’assistance : les bots qui aident les humains à être plus performant dans leurs activités (recherche et tri d’information, automatisation de certaines tâches sans valeur ajoutée pour l’humain). C’est déjà le cas par exemple pour les conseillers client chez Orange bank qui sont assistés par Djingo.
  2. le suivi des soins médicaux
  3. l’éducation : exemple, Andy bot, un chatbot pour apprendre et pratiquer l’anglais.

Le handicap comme source d’innovation et de conception universelle

Simon Houriez, fondateur de l’association Signes de sens rappelle que de grandes innovations adoptées par le plus grand nombre ont d’abord été pensées pour le handicap (la télécommande, le vibreur du téléphone…).

Son propos est de montrer qu’en travaillant sur des innovations à destination de personnes handicapées, elles peuvent s’inscrire dans une démarche de conception universelle. Il nous montre Ben le Koala, à l’origine une application pour enseigner à des personnes autistes des gestes quotidiens (se laver les mains, les dents) et utilisée par énormément de parents, simplement parce qu’elle fait bien son travail !

De même il travaille en ce moment sur infos-accessibles.fr, site d’accompagnement pour les démarches administratives quand on a du mal à comprendre l’administration (ce qui concerne une grande partie de la population, au final). En partant de difficultés cognitives, ce site extrapole pour l’ensemble du public.

L’accessibilité

Notre vrai grand regret pour un événement qui veut parler de handicap, d’innovation, de futur, que sais-je encore, c’est un site web comme on adorait en faire au début des années 2000 où la plupart des interactions se fait au survol de la souris à une époque où plus de la moitié des consultations des sites web se fait sur un téléphone mobile (problème sérieux d’intégration de la multimodalité des interfaces de consultation), un programme en PDF qui ne dit que « j1.docx » avec un lecteur d’écran (problème sérieux d’accessibilité des contenus).

Comme le professe le site, L’inclusivité, si elle est affaire d’idées, l’est surtout de pratiques, d’usage.

Nous savons que Rome ne s’est pas faite en un jour et nous prenons rendez-vous l’année prochaine pour voir si le vœu pieu sera suivi d’effets.

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