Un accordéoniste scande une mélopée indéfinissable, entre La java bleue, Le petit vin blanc et des airs de fête foraine.
Il porte un costume aux épaules trop larges, de la couleur des lourds rideaux de Twin Peaks.
Sensation étrange d’un monde au bord du nôtre.
Deux filles discutent dans le RER, l’une raconte et l’autre ponctue le récit d’éclats de rire inattendus, lâchés comme les râles involontaires qui précèdent le moment intense et intime où l’on oublie jusqu’à son nom.
Décalage de sons qui n’ont rien à voir.
Une dame lit Anges et démons dans le train. Elle a une bouche particulière, un genre de bec pincé et légèrement méprisant (j’ai envie de dire : malgré lui). C’est la deuxième fois en moins d’une semaine que je la vois.
Elle ressemble beaucoup à une fille que je voyais souvent à la fac ; c’est comme si en vingt ans elle en avait pris quarante.
Il y a quelques jours j’ai discuté au téléphone avec une personne que je n’avais plus entendue depuis quinze ans. L’âge, à ma grande surprise, s’insinue partout, jusque dans le timbre de la voix.
Une femme aux cheveux courts, sans aucun apprêt. Ils frisent légèrement, « ondulent » comme on dit quand on veut faire croire que c’est fait exprès.
On sent plutôt un manque d’argent, où l’on se recentre sur les essentiels, le nécessaire.
Elle ne regarde rien, dans le flou à un mètre d’elle. Elle a les yeux un peu grands pour son visage : on l’imagine enfant, ses yeux bouffant le monde.
Ainsi donc les enfants pleins de joie deviennent souvent des adultes tristes et soucieux.