Tourner à vide

Les digital literati, expression que je ne sais pas bien traduire [1], sont ces gens qui ont une grande culture numérique et qui ont les usages au bout des doigts, pour qui tout ça est naturel. Il s’agit, en vrac, de gens très connectés, mais aussi (surtout) de ceux qui sont connectés depuis longtemps (une vingtaine d’années), qui ont vécu plusieurs cycles technologiques, ont vu passer l’IRC, les newsgroups, les blogs (et ils s’y accrochent, les bougres), les réseaux sociaux – avec un peu de chance, ils seront encore là pour voir la débâcle desdits réseaux au profit d’autres choses un poil plus vertueuses.

Une question qui revient souvent ces temps-ci chez les digital literati, c’est celle de la déconnexion et de la pertinence de l’ennui dans la liberté de réfléchir.

Ce qu’il faut, c’est du temps pour tourner à vide.

Alors moi, je vais chercher l’ennui. Ce n’est pas la première fois que j’en parle, et je vois bien que je commence à vous ennuyer avec mon histoire d’ennui.

[…]

Maintenant, je me délecte de cette sensation d’inutile, de non-productif, de cerveau qui part en vadrouille dans des endroits complètement imprévus.

On se souvient tous du « temps de cerveau disponible », expression bien cynique mais qui partait tout de même d’un réel constat : occupez le cerveau tout le temps, si possible avec des produits qui vont chercher au plus près du cerveau reptilien (pour faire simple, sexe et violence). Si on regarde bien, pour un certain nombre d’entre nous, les réseaux sociaux ont pris le relais. L’indignation permanente, notamment, est une forme de réaction violente à tout [2], tout le temps.

Quant à moi, je passe souvent du temps, comme un chien avant l’indolence de la sieste, à regarder, humer, écouter tant que je le peux encore. N’allez pas croire que j’en tire de grandes idées, mais ça me suffit. La non-activité a une autre vertu que celle de permettre de réfléchir : elle repose.

Notes

[1Littéralement, ce serait « gens de lettres numériques », pour évoquer le contraire de l’analphabétisme.

[2Pensée comme plus active puisqu’on réagit, elle est en réalité un autre type de passivité « de canapé ». Je clique pour relayer, je m’agite un peu en prenant à parti des gens que je ne connais pas, puis une autre cause arrive et je recommence. Le tout sans bouger de mon canapé.

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