Un peu d’histoire
Il y a dix ans, à quelques mois près, j’ai été connecté à internet. Waouh [1].
J’ai alors découvert qu’on avait moyen de communiquer avec d’autres gens, de partager sa passion, en abolissant les distances.
J’ai donc, comme tout le monde, monté mon site.
Mal, bien sûr.
Et puis refait le site.
Mal, bien sûr.
Et puis refait le site.
Ainsi de suite pendant des mois.
J’étais incollable sur les différences de rendu entre IE 3, IE 4 et Netscape 4, comme si ç’avait même pu intéresser quelqu’un à part moi, qui collectionnais les bugs comme un entomologiste.
Au départ je voulais parler de bande dessinée. J’ai rencontré des gens formidables, des Gregg, des Xavier, des Jean-Noël et Nathalie. Des gens qui ont fini, au bout de deux ans, par me persuader qu’il fallait vite aller voir le vaste monde et gagner ma vie sur le web au lieu de continuer à végéter comme une Drôle de Dame sans son Charlie.
Me voilà monté à la ville en 1999, me battant avec des vrais bugs de combat et une armada de contournements Javascript, de bricolages HTML à base de tables, de plus deux pixels par-ci et de moins trois pixels par-là.
À l’époque, les bonnes pratiques... connais pas. Il faut produire vite des sites jetables, de toute façon les clients en voudront un autre encore plus classe dans un an.
On commence à peine à frémir à l’idée que Netscape a ouvert le code source de son navigateur (un truc qui s’appelle Mozilla en hommage au premier moteur de navigateur, ou quelque chose comme ça). Les rumeurs disent que Netscape 5 ne comprendra même pas le Javascript qu’on a écrit pour Netscape 4 : ils sont fous chez Netscape.
On commence aussi, en même temps, à trouver que passer son temps à débugger des sites pour que le client soit heureux [2] n’est pas très productif. Tout est fait en double, en triple parfois. Tout est jetable, impossible à maintenir.
Mais on s’en fout, on est jeunes, et puis demain les clients repaieront pour qu’on leur refasse leur site !
Bonnes pratiques : la révélation
Petit à petit au fil des années, les clients ne veulent plus payer parce que le web c’est gentil, mais niveau plus-value et retours sur investissement c’est quand même zéro, à part comme boîte aux lettres. En plus le web avec ses bulles produit des krach boursiers à la vitesse où Mumm produit des bouteilles (lui aussi avec des bulles, comme quoi).
Au final, le constat : on veut faire le travail une seule fois, qu’il soit possible de le maintenir sans dépendre des caprices des navigateurs, et que ça ne coûte pas cher.
Et là (sonnez trompettes), vous découvrez les standards.
Pardon : les Standards. La majuscule est capitale, si vous me permettez l’expression.
Comment ? Quelles sont ces sirènes qui vous évoquent des lendemains qui chantent où vous ne finirez plus votre travail après la nuit ? Qui sont ces gens qui se cachent derrière le Standblog, Mammouthland, Blog and blues, Cybercodeur et que disent-ils ? Et puis tiens, c’est nouveau, Openweb ?
Un jour, sous leur influence néfaste, vous finissez même par lire les trucs imbouffables par excellence : les documents du W3C que vous vous étiez promis de ne jamais-au-grand-jamais lire parce que décidément vous n’êtes pas un technicien. Et vous y trouvez les réponses, vous remplacez une approche empirique par une approche normaliste.
Entretemps vous avez découvert Pompage, et vous décidez même de participer, parce que vous avez vu la lumière et vous voulez que les autres la voient. Les standards c’est bon, même pour l’entreprise !
Au passage, vous réalisez aussi que vous n’avez jamais eu la maîtrise de ce qu’affichaient les navigateurs de vos clients. C’est toujours ça de pris : d’abord vous tombez de votre chaise, ensuite vous vous réfugiez dans la dénégation — et puis vous acceptez l’évidence ; le monde des navigateurs, c’est l’anarchie la plus complète. Le pire, surtout, c’est que c’est ce qui rend ce boulot marrant !
Faire des choix
En deux mots comme en cent : le petit frère d’Openweb et de Pompage s’appelle Paris Web.
La seule solution pour se concentrer sur cette nouvelle initiative, c’était de freiner un certain nombre d’autres participations. J’ai donc démissionné du comité rédactionnel d’evolt, levé le pied sur Pompage (où je m’étais retrouvé administrateur technique du système de publication), mis en sommeil quelques projets [3].
J’ai eu la chance de soumettre l’idée à quelques personnes motivées [4], et d’avoir par là-même réalisé un rêve : décider de faire une conférence en Français, lister tous les orateurs qu’on aimerait y entendre, et les voir accepter l’un après l’autre avec enthousiasme. Nous avons commencé à trois avec Éric et Adrien, en se répartissant les rôles de président, trésorier et secrétaire presque à la courte paille. Me voilà donc président.
Revenons au présent (ou : la « vraie vie » reprend ses droits)
Une suggestion d’Adrien avait marqué mon esprit : et si, comme dans d’autres associations auxquelles il participe, on renouvelait le bureau tous les deux ans ?
Hé bien figurez-vous qu’à la prochaine Assemblée Générale de Paris Web, nous en serons là, à la fin de ce premier cycle à la longueur arbitraire, et que je trouve qu’il a absolument raison.
Sauf qu’entretemps, nous avons eu un deuxième enfant, mon travail est devenu plus prenant (beaucoup de déplacements notamment, donc beaucoup de temps absent de la maison), et Paris Web a changé d’ampleur : une assistance deux fois plus grande, deux fois plus d’orateurs...
Et je n’ai plus assez d’énergie pour tout. Je viens d’ailleurs d’envoyer ma démission au WaSP ILG [5].
Maintenant, il reste deux semaines pour mener à bien Paris Web 2007, et puis là aussi, je démissionnerai. Ce sera plus radical qu’une simple rotation, et mes camarades commencent déjà à me taquiner sur le fait que je serai incapable de démissionner pour de bon, mais je tiendrai : ça a beau être la plus belle chose que j’aie vécue professionnellement, c’est aussi un gouffre à énergie.
Or, surprise, la vie de famille aussi !
J’ai décidé de ne plus devoir choisir entre ma petite tribu et Paris Web. Ne plus être tendu avec les enfants pour qu’ils soient au lit assez tôt pour pouvoir assumer le volume quotidien de travail-en-plus-du-travail.
Et puis relancer quelques projets laissés en friche, refaire ce site une énième fois, publier plus fréquemment des photos, reparler de bande dessinée (chiche !), et puis, et puis, et puis... on verra plus tard.
Voilà. La première année, c’était fantastique. La deuxième s’annonce encore meilleure, comme si c’était possible. Mais il faut faire des choix, en conséquence de quoi je ne serai pas organisateur de la troisième.
Longue vie à Paris Web !