Michael Jackson est mort. Normalement vous devriez le savoir, à l’heure qu’il est. Les médias du monde entier ont fait semblant de croire que le reste du monde était en paix quelques secondes, le temps de nous répéter qu’il est mort, qu’il est mort, qu’il est mort.
Je ne voulais pas en parler et puis, en passant chez Jean-Noël je me suis dit qu’on a tous quelque chose qui nous lie à ce type, étrangement. Christian Faure y va d’un commentaire, qu’il tire de son article :
Ce n’est pas sa mort qui m’a « choqué » – il était mort depuis longtemps pour moi – c’est plutôt la force avec laquelle j’ai ressenti ce besoin de tout revoir et de me re-faire le film.
C’est exactement ça. Depuis une semaine, je regarde mes CD [1] et je fais un bilan rapide : Oh, après Thriller il n’a rien fait de bien, sa séparation d’avec Quincy Jones est une erreur historique, tout le monde sait ça, alors pourquoi est-ce que je garde ces trucs que je n’ai pas écoutés depuis des années ?
Et puis comme je travaillais et que j’avais besoin d’énergie, alors pourquoi pas se remettre Dangerous une petite fois ?
Quelle surprise alors de découvrir qu’on se rappelle de tous les enrichissements des multiples pistes, les bases rythmiques hyper solides, les petits bruits (de verre cassé, de chocs, etc.), les hennissements de l’artiste, les hoquets ; et même, dans le silence qui précède chaque nouveau morceau, on se surprend à le chantonner déjà : on connaît encore sur le bout des doigts tous les enchaînements de l’album.
Je regarde HIStory posé juste à côté, et c’est sûr, ce truc est trop aride pour être encore audible quatorze ans après sa sortie. Je le mets dans la chaîne et là, même choc. Je pensais l’avoir peu écouté, m’autopersuadant que je suis un grand garçon qui fait dans la subtilité et écoute Keith Jarrett et Tori Amos plus volontiers.
Chaque nouvelle écoute fait le même effet : les trente premières secondes, je sens que je vais m’ennuyer, que c’est vraiment trop sec, trop psychorigide même pour être savouré, et puis à nouveau la musique m’entraîne et j’ai envie de chanter ou de faire des petits mouvements saccadés et ridicules comme toute personne qui était préadolescente à la sortie de Thriller vous le confirmera.
(Je n’ai entendu qu’une fois ou deux Invincible, qui pour le coup n’avait vraiment aucun intérêt... ouf mon honneur est sauf.)
Mais c’est frappant. il y a du génie musical là-dedans.
C’est le premier artiste qui ait accepté de démonter ses morceaux musicaux pour les mettre au service du clip (Thriller, Black or White et sa voiture cassée, Bad), et qui au final a permis de faire vivre deux oeuvres en parallèle, le clip et le morceau, sans préjudice ni pour l’un ni pour l’autre. Le premier artiste aussi dont on a présenté les clips au milieu de Champs Élysées, une émission où tout était censément en direct, où les chanteurs étaient là « pour de vrai ». Comme le dit Jean-Noël, le premier artiste dont on annonçait les sorties au journal télévisé.
Alors non, je ne vais pas bêler comme hier soir les journalistes de France 4, parce que quand même, on ne saura jamais la vérité sur toutes ses histoires de moeurs, et on a beau dire qu’il n’a pas eu une enfance heureuse, on ne m’ôtera pas de l’idée que ce mec n’était pas très net.
Tout de même, reconnaissons-lui un sacré talent, sous lequel on entend quelques recettes (que je découvre en le réécoutant seulement maintenant), et puis reconnaissons un danseur hors pair, qui tenait malgré tout beaucoup de ses prédecesseurs (Guesch Patti dans une émission télé d’il y a longtemps disait qu’il avait beaucoup étudié le Mime Marceau et Fred Astaire : quand on le sait, ça devient évident).
Mais un sacré talent tout de même, qui restera dans l’histoire, au même titre que James Brown ou Ray Charles, comme quelqu’un qui a fait avancer la musique à coups de déferlantes musicales sauvages et inattendues.
Tiens je vais m’en réécouter un petit tout de suite.
Qui l’aurait traité de cinquantenaire, avant qu’hier il meure ? (François Bon)