J’ai essayé de lire des ebooks.
Parce que j’avais entamé en 2011 un article, provisoirement titré « Livre numérique : pas tout de suite » mais que je ne voulais pas rester sans le tester. Parce que, aussi, je fréquente un écran au moins huit heures par jour ; et qu’à l’opposée j’aime l’idée que le papier est toujours disponible, ne demande jamais à être rechargé, peut être corné, annoté, prêté facilement. Parce que je veux être de mon temps, peut-être, un petit peu.
J’avais noté (il y a donc bientôt cinq ans) cette mention de Frédéric Beigbeder :
L’auteur oppose le livre objet unique au livre numérique, une coexistence impossible : "comme si la dématérialisation n’était pas un drame en soi. Or si, c’est un mot très poli pour dire destruction, destruction du livre, de la musique. Pourquoi est-ce que les gens sont si pressés de se débarrasser des objets culturels ? Je ne comprends pas". Et les bons chiffres des ventes actuels ? "C’est le dernier chant du cygne avant l’apocalypse !".
Cinq ans plus tard, dans le train, j’ai l’impression de voir à nouveau fleurir les livres. Fin de l’attrait pour la nouveauté ? Pauvreté des catalogues ? Je ne sais pas.
En tout cas, entre temps, j’ai acheté un ou deux livres numériques, notamment François Bon, Après le livre. J’aimerais aussi lier vers Le vieil homme et la mer mais ce n’est plus possible.
Le premier est une réflexion passionnante, que je n’ai malheureusement jamais finie sur mon petit téléphone Sony Experia [1]. Le second, idem, pas fini.
Tiens, d’ailleurs, puisqu’on parle de praticité :
En revanche, François Bon peut vendre sa traduction en ligne au Canada, à condition que le site marchand empêche les Français de se procurer le livre litigieux.
Qu’est-ce qui empêcherait un Français d’acheter ce livre au Canada et de le rapporter en France si c’était du papier ?
Je me demande, dans ma difficulté à les lire, ce qui vient des textes (leur style, leur sujet, les cheminements de l’auteur, du traducteur, que sais-je encore) et ce qui vient du support. Vue la variété de mes lectures d’une façon générale, je tends pour le support.
Autre exemple : j’ai reçu Adaptive Web Design et j’ai dû l’imprimer.
Il me manquait la compréhension des chapitres, l’organisation spatiale. Je l’ai donc (attention les yeux) imprimé pour pouvoir le lire dans de bonnes conditions.
Si j’insiste sur « imprimé » et « dans de bonnes conditions » c’est parce que pour moi ces deux notions ont encore énormément de sens.
On en déduira aisément que je suis encore très attaché à la matérialité du texte que je lis, alors que paradoxalement je lis par ailleurs énormément sur un écran : le plus gros de mon travail est fait sur un écran, le plus gros de ma veille technique aussi (et politique, un peu, bien que j’aie eu ma dose depuis quelques mois).
Je n’ai pas encore complètement décomposé le mécanisme qui me fait préférer l’un ou l’autre, mais clairement je ne suis pas encore prêt pour une liseuse.
Au milieu de tout cela, garder à l’esprit la remarque de François :
La question essentielle posée à la lecture, y compris dans cette interactivité de l’échange, c’est que son transfert numérique n’est pas réductible à la question lire sur tablette ou sur liseuse. Je lis sur Kindle et pas vous, mais nous sommes ensemble ici dans le web et c’est précisément ici que la lecture est en travail et invention...
Lecture et écriture, lecture passive et lecture active ; effectivement le sujet est plus vaste et ne se résume pas au support. Il faudrait que je creuse les types de lecture et leur adéquation pour moi à un support ou à l’autre.
Et puis, de temps en temps, l’imperfection du livre papier raconte elle-même une belle histoire [2].