Un TGV un jour de grève, comme un autre jour finalement. J’apprends en arrivant à la gare qu’un autre train, une heure plus tôt, a été supprimé. Mais nous, ça va, merci.
Au wagon-restaurant, des jeunes gens rois du monde dans leur costume flambant neuf prennent toute la place, tellement pris par leurs discussions qu’ils n’entendent pas l’insecte qui leur demande juste un peu d’espace pour passer.
Je répète poliment mon « pardon, » et puis je touche le bas des reins d’un de ces jeunes gens. Le costume n’est pas une armure, petit père, sache-le. Il me laisse dix centimètres à peine, je me faufile. J’en serai quitte pour faire la même chose à un de ses comparses quelques minutes plus tard, qui sera très surpris lui aussi.
Une jeune femme monte en cours de route — ce TGV est un genre d’omnibus à grande vitesse, quatre arrêts pour deux heures de trajet. Elle est métis et sent bon les fruits rouges. Une petite envie de la croquer toute crue.
Le sommeil en retard, comme toujours, et la bande originale de Mishima par Philip Glass, hypnotique, comme toujours. Dans le train, je dors la moitié du trajet. Comme toujours.
Les rivières commencent à montrer des bouées qu’on ne trouve qu’en bord de mer habituellement, et sans qu’on se l’explique l’eau prend un air salé. Les toits se raidissent. Pas de doute, l’arrivée est proche : nous voilà rendus en Vendée.
Le contrôleur nous annonce notre arrivée imminente et nous souhaite une excellente soirée. Il n’est pas encore dix heures du matin, on sent qu’il a hâte que ça se termine !