Hier le train avait des soucis : pour une question de sécurité, liée à des gens qui étaient descendus sur les voies à une station que j’ai déjà oubliée, le trafic était « fortement perturbé ». C’est du langage de haut-parleur pour dire que « cher client, désolé, mais ça va être un fieffé bordel pour rentrer, on fait ce qu’on peut ».
J’en profite pour dire que les gens de la SNCF-RATP dans les transports en commun parisiens travaillent souvent dans des circonstances difficiles, et je trouve qu’ils gèrent très bien l’urgence et le sous-équipement, et que le travail d’annonce qu’ils font montre un bel effort de transparence.
Et donc, à Massy, on court de quai en quai, on ne sait rien sur l’horaire de départ, on finit sur le quai qui habituellement va vers l’Ouest (vers Igny et suivants) tandis que le train fait en réalité demi-tour et part à l’Est (vers Longjumeau et suivants). Ça tombe bien, c’est par-là que je vais.
Deux jeunes femmes montées au dernier moment paniquent, j’en entends une monter dans les tours : « Oh non, on part vers Igny ! »
Je me lève, et vais dans le vestibule où elles sont. J’explique en souriant pour ne pas les effaroucher [1] que non non, tout va bien, on va dans le bon sens. Je donne le nom de la gare d’où on part, le sens, le nom du train, la prochaine gare où nous allons. La deuxième me demande si on va bien à Juvisy, oui oui.
Je ne sais pas trop pourquoi j’ai fait ça, me lever et me mêler de ce qui ne me regarde pas, calmer le début d’hystérie (on sentait monter la panique). Peut-être à cause d’Amanda Palmer, puisque j’étais en train de lire son livre, The Art of Asking, que je n’ai pas encore fini mais qui me remue pas mal (sur la compassion, l’empathie, le don et la demande).
Peu après, je vais descendre du train, et tu sais comment c’est quand on descend d’un train : on regarde un peu à l’entour, tout le monde fait un peu la gueule, on se regarde sans se voir, on joue l’indifférence [2], les autres sont un décor qu’il ne faut pas aborder, ou en tout cas le moins possible.
Je monte donc à nouveau dans le vestibule, je m’approche de la porte, je lance un regard environnant, mes yeux croisent ceux de la première jeune femme, qui me gratifie du plus beau sourire que j’ai vu depuis longtemps dans un train, lumineux comme celui de Bérénice Béjo (au hasard). Évidemment que je lui souris en retour.
Je sors du train, content et souriant. J’inspire une grosse bouffée de l’air pur et frais qui m’accueille sur le quai.
Toujours se rappeler qu’à quelque chose, malheur est bon.