La Beauce s’étendait de tout son long sur l’horizon. J’étais en train de lire Sundborn, ou les jours de lumière, de Philippe Delerm. Sandra (ma femme à l’époque de cet article) m’en avait dit le plus grand bien, l’été dernier, mais je n’avais pas encore pris le temps de l’ouvrir. Là, je n’avais pour ainsi dire pas eu le choix : voyager en train sans lire ni dormir, voilà qui relève du masochisme !
Ce livre glorifie la vie, ou plus exactement le bonheur de vivre, comme Delerm imagine qu’ont vécu les Larsson, peintres suédois de la lumière. Le narrateur est quant à lui obsédé par ses errances affectives, tant familiales qu’amoureuses. Il ne trouve pas sa place dans la vie, et l’aisance oisive que lui laisse son héritage l’empêche sans doute de devoir se poser vraiment la question du métier qu’il doit choisir.
Autant d’aspects qui ne peuvent pas me laisser indifférent, dans cette phase de questions qui accompagne rituellement tous les changements brusques de vie (oui, je divorce).
Je relevai les yeux de mon livre, et à mon tour j’étais subjugué par le spectacle qu’il m’était donné de voir. La pluie n’était pas toute tombée, et laissait le ciel encore gris d’orage. Pourtant, à sept heures du soir, le soleil parvenait à percer, mais pas tout à fait, au ras de l’horizon. De hauts arbres délimitaient la route qu’on pouvait apercevoir à une centaine de mètres, des troncs décharnés, longilignes, surmontés d’éventails sans feuilles. Le plus fascinant était sans doute qu’on aurait dit que les nuages s’arrêtaient exactement au faîte des arbres, composant avec eux, très précisément, une frise qui embrassait tout le paysage.
La beauté du spectacle, sans doute magnifiée par la lecture que je venais de quitter, avait vraiment quelque chose de magique. La pluie pas encore sèche sur les vitres du train m’a juste empêché de prendre une photo. Une broutille, autant dire. [1]