Socialisation

De l’humain, des efforts, de la solitude et de la littérature. Avec un peu de réseaux sociaux et une touche de Beigbeder.

À peine les deux premières pages d’Oona et Salinger passées, Frédéric Beigbeder ne peut pas s’empêcher de jeter une de ces petites phrases dont il a le secret.

Unique concession à la vieillesse : je ne tweetais pas. Je ne comprenais pas l’intérêt d’envoyer des phrases à des inconnus alors qu’on peut les rassembler dans des livres.

(Pour vous dire toute la vérité, je n’ai pas acheté ce livre, je rattrape mon retard dans le magazine Lire, j’entame le numéro de juillet-août. Au passage un des trucs qui me manquent dans Lire c’est justement la chronique de Beigbeder, qui était la première chose que je lisais. Il faudrait s’abonner à Lui pour conserver le rituel, mais je suis moins client.)

Je me retournai sur ma pratique à l’issue de cette remarque, considérai mon propre usage (assez intensif) de Twitter, appréciai de ne pas être sur Facebook qui est davantage un silo (semi-perméable dans le sens entrant) qu’une conversation, me demandai si Beigbeder y était. Il y est et a une publication assez active, preuve qu’un réseau social en cache un autre et qu’on n’est jamais absent de tout, le clamerait-on assez fort.

Toujours est-il que je me suis pris à réfléchir au handicap social. Aller vers les autres est un effort permanent [1], nous sommes dans une tension constante entre d’un côté le besoin atavique du groupe (réminiscence du grégarisme qui nous sauva, fut un temps, des grands fauves), et de l’autre le repos qu’apporte la solitude.

On peut être soi plus facilement tout seul qu’en représentation.

Je parlais il y a peu de faire illusion, rien de nouveau donc.

En tout cas, plus je prends conscience de mon effort auditif, plus en parallèle je sais que la solitude n’est pas la meilleure solution ; c’est juste un état, dont il faut savoir s’affranchir, parce que tout de même, comme dit François Busnel dans ce même Lire, il faut, pour que le bonheur soit complet, ajouter l’amitié.

Notes

[1Oui, toi qui me lis, tu penses que j’ai une approche sociale d’une facilité déconcertante, vu mon succès de conférencier et mes relations dans le tout-Paris du web, sans compter ma Jaguar et mon champagne quotidien. Alors que non, pas toujours.

Commentaires

  • Franck (11 septembre 2014)

    On peut être soi plus facilement tout seul qu’en représentation.

    C’est vrai et je trouve que finalement aller se balader en moto à plusieurs est un bon compromis, parmi ceux possibles !

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  • cyberbaloo (12 septembre 2014)

    Parfois être dans sa solitude est moins fatiguant après de longues années à vouloir se socialiser ou du moins rester en société. Le ressenti qu’ont les autres par rapport à soi c’est aussi l’image qu’on projette.

    J’aime beaucoup ta conclusion et c’est aussi la mienne je pense inconsciemment. 😗

    Répondre à cyberbaloo

  • Da Scritch (12 septembre 2014)

    Je suis très touché sur ce que tu écris. Et tu as raison : le handicap isole terriblement, et il faut faire un effort tout aussi terrible pour aller sociabiliser.

    Et d’un autre côté, je suis admiratif de ceux qui font oublier leur handicap. Un réalisateur de ma radio est aveugle. Et le voir/l’entendre réaliser, par exemple en se baladant dans l’arborescence de son ordinateur avec une synthèse vocale accélérée, est absoluemnt superbe.

    Cela m’a fait penser à cette magnifique B.A. des Jeux Paralympiques de 2012 : Meet the superhumans

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  • Oncle Tom (12 septembre 2014)

    Georg Simmel décrit cet aspect de la socialisation par le besoin de différenciation de l’individu au sein de la métropole. Comprendre par là que la métropole a largement dépassé l’échelle humaine et anonymise chaque personne. Pour être soi face à soi même, on se doit de se distinguer de la foule sous peine d’être … personne.

    Le lien social en devient transcendé par sa propre construction d’identité. On se charge au travers la construction de relations.

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  • Brice (12 septembre 2014)

    Je te comprends tellement, même si je pense avoir franchit un grand pas dans l’acceptation du groupe récemment.

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  • tetue (13 septembre 2014)

    « On peut être soi plus facilement tout seul qu’en représentation »… en même temps que c’est l’autre qui, nous renvoyant notre image, nous permet de savoir qui ont est. Dit autrement, ou plutôt réciproquement, les meilleur·e·s ami·e·s sont ces autres avec lesquel·le·s on peut être soi-même et qui parfois nous aident à rester soi-même.

    Solitude et (réseau)socialisation/représentation me semblent également difficiles. Je leur préfère l’amitié.

    Répondre à tetue

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