Ah, sortir du RER à Musée d’Orsay, traverser la Seine sur la passerelle piétonne à huit heures du matin ! Personne ou presque sur les lattes de bois, à part quelques personnes qui promènent leurs chiens et qui reviennent des Jardins des Tuileries.
Traverser à la vitesse du contemplatif les Tuileries, savourer d’avoir prévu trop large pour pouvoir maintenant s’arrêter, se demander ce que fait un canard au milieu d’une allée, admirer deux vieilles Chinoises dans leur Tai Chi matinal, regarder le soleil se refléter sur la pointe dorée de l’Obélisque de la Concorde, se retourner et entrevoir le Palais du Louvre et son Arche de Triomphe au milieu de la brume pas encore dissipée, cachés par le soleil qui se lève derrière eux.
Se retourner encore, s’étonner d’une chaise restée là, seule dans une allée terreuse, si loin des bassins qui sont leur point d’attache attitré, prendre une photo ratée et penser à Doisneau et Cartier-Bresson et au talent qu’on n’aura jamais.
Entrer dans l’hôtel où se tient le séminaire, admirer les dépenses somptuaires d’une société de services qui fait de la communication classieuse. Résister à la timidité qui vous surprend quand derrière les énormes portes à tambour automatiques un gardien dans costume plus habillé que le seul que vous ayez (et que vous ne mettez jamais) vous demande où vous allez, avec un ton ferme mais poli, histoire de bien vous montrer que votre barbe de trois jours et vos cheveux farfelus ne sont pas du goût de la maison. Assurer sa voix et préciser sa destination, en se rappelant que vous êtes le client et pas lui. Se dire que si l’habit fait le moine, vous avez au moins l’air encore vivant.
S’amuser encore de toutes ces glaces, comme si tous ces messieurs-dames devaient en permanence s’assurer de leur mise irréprochable.
Rester soi-même, et jouer à être royal au milieu des apparences dans la plus belle ville du monde.