Nous avons fait la troisème échographie hier, pour ce qui sera dans deux mois, on le sait déjà, un grand bonheur.
Ou pas. Ou une terrible panique qui nous saisira et ne nous lâchera plus pour de longues semaines.
L’échographiste prend toutes les mesures qui lui permettent d’estimer le poids du bébé, et constate qu’il est tout en bas de la fourchette de « normalité », autrement dit qu’il ne prend pas assez de poids. Elle veut nous faire comprendre qu’il n’y a rien d’alarmant, tout en réfléchissant à voix haute à la nécessité d’aliter Stéphanie tout de suite.
Les raisons sont diverses, et on en trouve facilement quelques-unes : j’ai été beaucoup absent ces derniers temps. Pour moi c’était très bien, merci, mais pour Stéphanie c’était épuisant. Elle a dû gérer toute seule la plus grande partie des tâches ménagères, et je ne me rends vraiment compte que maintenant de toute l’énergie dont elle a dû avoir besoin (pensez, avec une enfant de deux ans...). Et pendant ce temps, toute l’énergie qu’elle dépense correspond à autant de nutrition en moins pour le bébé.
Il va donc falloir que j’allège très sérieusement mes journées. Ça tombe bien, depuis que Paris Web est fini je tombe d’épuisement dès neuf heures du soir.
Ce qui tombe moins bien, c’est que j’avais un déplacement de trois jours prévu en octobre à Bruxelles. Il faut que j’en parle à mon chef, pour essayer de me trouver un remplaçant...
Et je vais devoir trouver comment réduire pendant quelques mois mes horaires de travail, pour épargner à Steph le moindre effort ; il en va de la santé du bébé (et de la santé morale de la maman). Comment arriver à faire ses horaires en partant à cinq heures ? Là encore un arrangement va s’imposer, dont je ne connaîtrai les détails qu’après en avoir discuté.
Surtout, il va falloir gérer les tensions. L’homme et la femme n’expriment tellement pas de la même manière leurs inquiétudes ! Stéphanie répète dix fois de suite que sur tel forum en ligne on dit que ce poids est normal, puis qu’à cent grammes près elle serait déjà en arrêt-maladie préventif. De toute façon elle voit la sage-femme mercredi prochain et sera sans doute arrêtée précocement. Quant à moi, je répète, laconique : « Si elle n’a pas cru bon de t’arrêter hier, c’est qu’il n’y a rien d’alarmant ». Et elle de répondre : « Oui, mais elle a failli ».
Nous rejouons le verre à moitié plein ou à moitié vide.
Mais nous montrons (ou cachons mal) la même angoisse sourde. Elle passe par la salle de bain ce matin, et glisse que les malformations mentales viennent quelquefois de la malnutrition du foetus et sont impossibles à prévoir. Je réponds que la mesure est à 15% en plus ou en moins, elle rétorque que justement, ça peut être en moins.
J’ai hésité longtemps avant de vous avouer les difficultés que nous avons à faire les enfants (je ne le fais qu’aujourd’hui), et vous comprendrez que c’est aussi sans aucun doute un facteur aggravant de notre désarroi : nous savons combien les chances qu’un tel miracle se réalise sont ténues, et le moindre risque devient un obstacle qui nous paraît par moments infranchissable.
Selon toute vraisemblance, Stéphanie sera alitée à partir de mercredi, et moi ? Moi, je me ferai discret sur le net, efficace et (surtout) présent à la maison, si tant est que ce soit possible.