Proposition d’un plan de sauvetage des vieux

Supprimer un jour férié pour remplumer les caisses de solidarité envers les personnes âgées ? Voilà une idée fort intéressante, bien qu’un peu démagogique. Nous allons voir pourquoi, et proposer des solutions alternatives qui méritent réflexion.

Baisse du revenu global du pays

Les 35 heures ont bien grevé le PIB du pays, nous annonce-t-on. Effectivement, un peu d’arithmétique suffit à le prouver. Quatre heures de moins par semaine ouvrée (soit 47 semaines), c’est 47*4=188 heures perdues.

Rendez-vous compte ! Les RTT c’est 188 heures de moins que vous volez à votre employeur qui vous aime puisqu’il vous paye votre salaire et ne l’a même pas revu à la baisse au moment du passage aux 35 heures ! Cent quatre-vingt huit heures payées et non travaillées en plus de ce que votre employeur prévoyait ! Le trou dans les caisses ! Énorme !

Baisse de la qualité de soins aux personnes âgées

La baisse du temps de travail par semaine c’est une baisse du nombre d’infirmiers, de médecins, d’urgentistes à une heure donnée. Donc non seulement le passage aux 35 heures ruine le pays, mais en plus il apauvrit les soins qu’on pourra donner aux patients.

L’incurie des Français est grave : ils préfèrent voir mourir leurs vieux que de travailler plus. Évidemment on n’entend que trop peu parler des sous-effectifs du milieu médical, problème repoussé discrètement aux calendes grecques et qui date bien d’avant les 35 heures.

Il est temps de réagir, Jean-Pierre Raffarin a pensé pour vous la solution [1].

Trop de jours chômés tuent les vieux

Voilà une idée brillante : constatez avec moi que vous avez trop de jours non travaillés. Encore des jours où votre patron vous paye royalement, comme si vous veniez au bureau, à l’usine, à l’hôpital, etc.

Réfléchissons maintenant en posant à notre tour quelques jalons, en vrac :

  • Une journée fériée de moins, c’est huit heures de travail en plus. Le Medef se frotte les mains, comme le souligne si justement Pascale Lambert-Charreteur
  • Le gouvernement tire à boulets rouges sur les 35 heures, ça fait un moment que ça dure. Tous les moyens seront bons pour rendre inique cette mesure, à commencer par faire peser sur le salarié des scrupules indécents [2].
  • Comment voulez-vous compenser 188 heures perdues par 8 heures prises sur un jour férié ?
  • Surtout, comment peut-on même imaginer que la "richesse" produite pendant ce jour anciennement férié sera redistribuée à des fonds d’aide aux personnes âgées ? Toute valeur ajoutée du travail n’est jamais directement quantifiable, donc jamais directement taxable [3].

Proposition d’un plan de sauvetage des vieux

Il y a un problème évident dans notre société : très bien médicalisée, elle subit un vieillissement de l’âge moyen de sa population. Qui dit allongement de la durée de vie dit retraite plus longue et plus grande nécessité de soins, sur une période (là encore) plus longue.

Le gouvernement a commencé à bien repenser tout le système pour trouver des sous sans toucher à la poche des entreprises. D’abord allongeons le nombre d’années travaillées. Soit. La pénibilité des emplois n’est pas encore complètement rentrée dans les moeurs, mais donnons à chaque groupe de métiers le bénéfice du doute, et croyons que des aménagements vont être trouvés qui permettront qu’au moins les salariés ne souffrent pas trop.

Mais il y a moyen d’aller plus loin. Voilà des idées concrètes et facilement applicables pour sauver nos vieux :

  • Tout d’abord il est clair que trente-cinq heures par semaine de travail ce n’est pas assez. Au début du siècle les ouvriers travaillaient souvent soixante-dix heures, et personne ne se plaignait. Ah mais c’est qu’on respectait le patron en ces temps-là.
  • À l’époque un salarié de bureau apportait son charbon pour chauffer la pièce où il travaillait. Coupons le chauffage en hiver et la climatisation en été, remettons des poêles vides, charge aux employés de les remplir !
  • Réduisons les congés payés. Tout ce bel argent qui se dilapide en graisse sur les plages qui vivent du tourisme, en visites de villages qui vivent du tourisme, en visites de musées qui vivent de leurs visiteurs, etc.
  • Supprimons les machines à café. Deux pauses-café par jour en moyenne, c’est une demie-heure chômée effective. Multiplions ça par 5 jours et par 47 semaines, quel vertige.

Non, soyons raisonnables, le gouvernement ne voudrait pas rallonger le temps de travail. Il sait qu’il mécontenterait son opinion [4].

La solution ? Un impôt vieillesse bien sûr

Dès lecture de ma proposition, Monsieur Raffarin va bientôt annoncer, dans son ton couinard qui, au fur et à mesure de l’avancement de son mandat, m’évoque de plus en plus les riches heures de l’ORTF, une mesure révolutionnaire pour sauver les vieux : un impôt vieillesse !

Pour le rendre populaire il suffira, à chaque versement de l’impôt, de distribuer à nos concitoyens un petit macaron autocollant, comme le font déjà les oeuvres caritatives, que notre concitoyen collera sur son pare-brise. Pour bien montrer qu’il se sera acquitté annuellement de son impôt envers les vieux, il suffit d’écrire l’année en gros et de changer la couleur du macaron. Notre concitoyen pourra alors fièrement arborer le macaron, montrer à toute la France qu’il aime ses vieux.

Et tiens, si on appelait ça la vignette, par exemple ? Pensez-y, Monsieur Raffarin. En plus c’est inédit. Et on sait déjà que ça marche.

Notes

[1Il serait peut-être bon que le service commercial (pardon, communication) de l’Élysée pense à faire breveter cette formule. Imaginez : "Jean-Pierre Raffarin a pensé pour vous la solution" (©RaffaCom, 2003)

[2Rends-toi compte, idiot de salarié, si tu avais travaillé plus, si tu n’avais pas réduit ton temps de travail hebdomadaire, des vieux ne seraient pas morts

[3Et puis on sait que le gouvernement rechignera en fin de compte à taxer les entreprises, ce ne serait en effet pas très capitaliste

[4"Et l’opinion, c’est le pognon" (©RaffaCom, 2003)

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