Un bilan
En 1995 environ je découvre le Web (enfin, comme on disait alors, « les Autoroutes de l’Information »). Je fais frénétiquement trois ou quatre sites perso (un site perso, un autre vaguement collectif autour de la bande dessinée, un site de nouvelles inspiré de The Fray, un site avorté de conseils techniques autour du Web, un site de photos, etc.), et en 1999 je quitte ma province, je lâche mes deux boulots [1] — je monte à Paris et je me fais happer complètement par la machine.
Pendant quelques années je vais même jusqu’à oublier de dormir, chaque jour est un summum d’excitation, on défriche à qui mieux mieux, en écoutant DJ Shadow à fond dans un open space où les gens arrivent en patins à roulettes, en faisant des directs en vidéo sur le Web avec Biarritz, en recalculant la taille de tel et tel élément en JavaScript — en mettant du JavaScript partout, en fait [2] —, en voyant les écrans s’éloigner progressivement du 640*480, en contribuant à evolt (à l’époque, une très grosse communauté de gens du Web de plusieurs dizaines de milliers de membres), etc. etc.
Après Atmedia à Londres en 2005, on monte Paris Web avec Adrien et Éric (voir l’interview que Delphine nous a accordée), première édition en 2006, nuits presque blanches et émotions fortes (un de mes plus grands souvenirs professionnels !).
Ensuite j’ai fait des conférences ici et là, c’est très stressant (entre le cœur qui bat à cent à l’heure et des bonds de 30 centimètres avant chaque prise de parole), et en même temps extatique à chaque fois. J’y rencontre tant et tant de gens épatants, qui tous me tirent vers le haut. En parallèle je fais mon trou dans le boulot, on m’accorde de la confiance, on me croit digne d’intérêt, merci tout le monde pour tout ça !
J’ai eu une chance incroyable, toutes ces années, vous n’imaginez même pas. Pouvoir rencontrer tout ce monde (la liste serait trop longue ici), devenir pote avec un vrai panthéon de personnes qu’on lit depuis des années et m’enrichir à leur contact, avoir des activités passionnantes en sus, ça n’a pas de prix.
Et puis voilà, petit à petit le Web n’est plus un terrain de jeu pour moi, et au bout de toutes ces années je suis un peu moins chien fou, forcément. Je m’y amuse moins, ces derniers temps [3]. Je percute qu’il faut peut-être remettre du sens, que science sans conscience n’est que ruine de l’âme et tout ça (deuxième crise de la quarantaine, en quelque sorte). Ou qu’il faut continuer à avancer, parce que finalement je n’ai jamais arrêté.
Il est temps de regarder ailleurs
Alors comme j’ai un peu fait le tour de mon boulot autour du Web (intégrateur HTML, puis expert technique, puis référent accessibilité), il est temps de m’en éloigner un peu et de continuer mon chemin vers l’accessibilité et le sentiment d’utilité pour les vraies gens. Comme plein de monde (d’après ce que j’entends ici et là), ces deux dernières années de crise sanitaire ont aussi occasionné nombre de crises de vocation et d’envies de changement. Après 4 ans sur ce dernier poste de référent accessibilité, je change radicalement, je quitte le Web (hé oui, d’où ce long article).
Au premier juin prochain, la moitié de mon activité, en tandem avec une collègue très dévouée, sera de gérer des dossiers de salariés, dans le cadre de l’intégration et du maintien dans l’emploi des salariés en situation de handicap. L’autre moitié sera de participer à la coordination de l’accessibilité immobilière et du SI, vu du point de vue de la Mission Handicap.
Nouvel horizon, nouveaux défis, et surtout encore un pas en avant. Je m’auto-souhaite bonne chance et bonne route.
(Je vous rassure, je garde quand même le Web près du cœur, je conserve ce site évidemment, en espérant un peu que ça redevienne un hobby, quand même quand même.)