La pluie. Le vent, la grêle, le soleil, le froid, la neige. Quoi qu’il arrive les gens se plaignent, il paraît que c’est une spécialité française.
Quand il fait froid, vivement l’été. Une semaine de chaleur vient à peine de passer que j’entends déjà un peu partout les gens dire que c’est intenable.
Je me suis bien sûr souvent inquiété pour nos enfants quand ils étaient petits, quand ils ne savaient pas encore réguler leur température ; mais je ne me plains jamais de la météo, quelle qu’elle soit : elle est perpétuellement changeante et chaque état me fait savourer celui qui est passé et celui qui arrive par contraste.
Qu’est-ce qui fait que dans mon habitude londonienne les jours de pluie jettent un voile maussade sur le monde, mais ici ils révèlent la douce beauté de chaque coin de rue ?
Olivier fait un voyage sentimental à Tokyo et en rapporte une impression, qui déclenche l’écriture de ce billet en réaction.
En Sologne il pleut beaucoup, on a l’impression d’avoir les pieds dans la boue la moitié de l’année. C’est là que j’ai pris l’habitude de n’avoir principalement que des vêtements tout-terrain. Maintenant que je suis « monté à la grande ville, » j’ai un mal de chien à m’habiller, en particulier à me chausser comme un cadre urbain. La moindre excuse m’est bonne pour remettre des grosses chaussures de marche [1], sous prétexte par exemple que c’est une garantie contre les chevilles tordues [2].
Alors in petto je ricane quand je vois les jolies chaussures cirées et pointues de tous ces gens qui se sentent importants simplement parce qu’ils portent un costume, et je les transpose dans la bouillasse qui m’a vu grandir. Je ricane et j’ai envie de faire preuve d’une apparente maladresse pour les salir, leur rappeler d’où ils viennent [3].
On dirait qu’ça t’gêne de marcher dans la boue
comme chante Delpech dans (précisément) Le Loir-et-Cher. Oui, il y a de la boue partout, mais c’est là que sont profondément ancrées mes racines.
Et nous allions en vacances en Vendée. Enfant j’étais plus ou moins habitué à l’idée que la pluie est partout, qu’elle te suit où que tu ailles [4].
Depuis j’ai voyagé, découvert le Beijing sec d’un mois d’avril qui nous apporte un vent du désert, la Tunisie suffocante de juillet, et puis l’Irlande et Paris, entre autres. Ainsi la pluie n’est pas une fatalité, et quand on compare à l’échelle du monde c’est même plutôt une bénédiction de vivre dans une zone tempérée comme l’Europe de l’Ouest.
Quand on leur demande s’ils n’en ont pas assez de la pluie, les Irlandais disent joliment que sans elle ils n’auraient pas ces hundred shades of green (« les cent nuances de vert »). Et puis le soleil n’est jamais loin, chaque jour a son présentateur météo et le rituel « sunny spells and scattered showers » comme une incantation (« éclaircies et pluies éparses », ça veut tout et rien dire).
Et les Irlandais sourient.
Et je souris avec eux, et même je souris sous la pluie, où que je sois. Je l’accueille comme une amie. La pluie c’est la vie. Et le paysage est un état d’âme [5].
PS : une autre réaction chez David.