Je garde un très fort souvenir de mon dernier instituteur à l’école primaire, M. Moussière. Je vous en ai déjà parlé, dans des circonstances bien tristes.
Tenez, un souvenir qui me revient à nouveau : il avait quelques expressions rituelles, que je n’ai jamais oubliées, et qu’il partageait avec son collègue de la classe d’à côté.
Par exemple quand le car qui nous emmenait à la piscine était arrivé devant l’école, son collègue ouvrait la porte, et, à chaque fois, s’exclamait : « Le car y bout ! »
Quand venait l’heure du cours de mathématiques, ce n’était jamais « les mathématiques », c’était toujours les « mathématiques-tiques-tiques du gendarme » (en référence à la chanson bien connue de Bourvil).
Et puis, aussi bien ce qui nous rentrait dans la caboche que ce qu’on ne voulait pas comprendre provoquait immanquablement un « vos petites têtes de balais-brosses ».
Comment j’ai pensé à lui, il y a deux semaines, juste avant la première rentrée de ma fille, comment le rapprochement s’est fait ? Je ne sais pas vraiment, à part que, comme je vous le disais, j’y étais attaché.
Alors quand ma fille m’a demandé pour la énième fois pourquoi j’ai oublié telle ou telle chose (distraction légendaire du papa, c’est connu), je lui ai répondu « hé bien, c’est parce que j’ai une petite tête de balai-brosse ».
Maintenant, chaque fois que l’un de nous oublie quelque chose, je dis « petite tête », et cette petite voix de lutin me répond « de balai-brosse », avec cette diction perfectible mais tellement adorable dans son imperfection et ses aigus.
Et à nouveau je repense à lui. C’est bien vrai qu’on reste vivant tant que les gens pensent à vous.
(une pensée, aussi, pour un camarade avec qui j’ai tchaté hier soir et qui se reconnaîtra).