Adrian Tomine est un garçon étonnant. Comment, si jeune, et déjà tant de choses à raconter ?
Il a développé une approche rigoureuse, un trait soigné, une concision dans la narration. Parallèlement (paradoxalement ?), il est capable dans le même numéro d’Optic Nerve d’alterner les histoires laconiques et les histoires bavardes, celles qui tiennent plus de l’illustré que de la bande dessinée à proprement parler.
Nonobstant ce "handicap" (bien grand mot pour ce qui est finalement un choix formel), Adrian Tomine a su trouver (comment dire ?) un point de vue, une façon de raconter les histoires, quelque chose de très réaliste. Ce réalisme est d’autant plus (d)étonnant que Tomine a depuis
quelque temps abandonné sa recherche graphique (celle des 32 Stories) pour privilégier un trait froid, un encrage presque hiératique, à mi-chemin entre l’école Belge et puis... je ne sais quoi d’autre.
Tomine vient encore de sauter un pas avec le numéro 5 d’Optic Nerve. Là, pour la première fois, il prend ses aises pour une "longue" histoire de 25 pages, d’un seul tenant. Le plus surprenant, c’est qu’on ne le sent pas moins à l’aise que dans ses nouvelles très courtes.
Jamais il ne tire à la ligne. Les temps morts, par contre, sont peut-être mieux respectés. Tomine prend de l’ampleur.
J’aime sa façon de raconter, vraiment. Il est capable en deux pages de focaliser toute notre attention sur ce qui, souvent, est à première vue un non-événement. Si l’on devait chercher un équivalent littéraire, on regarderait du côté des Dubliners de Joyce. Ce dont je ne me remets pas, c’est qu’il ne soit encore qu’étudiant, et qu’il n’en soit donc, espérons-le, qu’au début d’une carrière fertile.
Aux âmes bien nées, la valeur n’attend pas le nombre des années.