Nous sommes, Stéphanie et moi, très hostiles à la télé-réalité. C’est sans intérêt, d’une platitude sans borne. Ça ne permet, la plupart du temps, que de se rendre compte de la médiocrité des gens qui y participent, de leurs qualités d’élocution inexistantes, de la mesquinerie, peut-être même de la bassesse.
Bref, nous n’aimons pas.
Alors, me demanderez-vous, comment pouvez-vous passer votre jeudi soir devant la Nouvelle Star, vous qui vous faites un devoir de ne pas vous abrutir devant ce genre de programmes ?
Je réfléchissais à cet épineux problème dont dépend sans aucun doute le sort de l’humanité pas plus tard que ce matin. On est peu de choses, quand même.
C’est incroyable, le nombre de gens qui viennent là pour se faire descendre en flammes, comme s’ils découvraient qu’ils ne sont pas faits pour ce métier ! (enfin, vous je ne sais pas, mais moi je sais très bien que je chante mal, comme peuvent en témoigner mes collègues de bureau).
Alors quoi ? Ils n’ont pas d’amis assez sincères pour leur conseiller de changer de hobby ? Ils n’ont pas allumé de radio depuis vingt ans ? Ils viennent juste de se faire décongeler après cinquante ans au pôle Nord ? Ils ont attrapé une extinction de voix dans la queue devant le studio ?
Par moments, on rigole, on se sent complices de pseudo-candidats, qui manifestement ne viennent là que pour gagner un pari sans conséquence, ou pour faire les ânes et se faire connaître. Quelque part ils bousculent le système et tant mieux, merci à eux.
Évidemment, aussi, que de temps en temps on reste sans voix, le poil se dresse sur les bras : nous voilà en présence d’un vrai chanteur (d’une vraie chanteuse), une gemme à l’état brut qui ne demande qu’à être dégrossie, entourée des bons professionnels qui lui permettront d’affiner et de révéler son talent.
Mais revenons à nos moutons, au sujet de ce billet : pourquoi est-ce que nous nous entêtons à regarder cette émission ? Sans doute parce que finalement c’est assez risible, de voir ces gens monter au créneau pour se faire éreinter en quelques secondes, venir chercher l’humiliation publique et télévisuelle... ça me fait penser à ces émissions japonaises effarantes où les candidats viennent chercher l’opprobe en direct. Je trouve ça incompréhensible.
J’ai l’impression étrange, en regardant ces chanteurs de salle de bains, de voir des lapins figés devant les phares d’une voiture déboulant à vive allure. Ils sont là, ils se redressent, ils prennent la lumière dans la figure (« mettez-vous sur la croix blanche, sinon vous ne prenez pas la lumière, on ne vous voit pas à la caméra ») et boum, un bon coup de pare-chocs (« vous prenez des cours ? hé bien arrêtez tout de suite, vous gaspillez votre argent ! »), et au suivant !
Et autour de cette mascarade, le pseudo-pathos en voix off, pas crédible pour un sou : on n’a même pas encore eu le temps de s’attacher à un candidat qu’il se fait déjà sortir, comment voulez-vous que je sois vraiment triste pour lui ?
Devant cet abattage méthodique de victimes volontaires (et c’est là la principale différence avec les lapins) on est aspirés par l’écran, en répétant candidat après candidat que ce n’est pas possible d’oser se présenter. On pouffe devant le plaisir manifeste que prend parfois le jury à étaler les non-compliments, à chercher le mot juste dans la vacherie. C’est incroyable. On n’y peut rien : nous, on reste fascinés et on attend jeudi prochain !