Il a une Apple Watch. Elle est configurée pour afficher une montre à aiguilles, et pour ne jamais s’éteindre, sans quoi l’effet est moindre je suppose. Il y dépense donc une bonne part de la charge de sa batterie (de mémoire l’écran est responsable de 70 ou 80 % de la consommation). Un autre homme à l’aller avait fait les mêmes choix énergétiques discutables.
Il a un gros smartphone, de ceux qui ont quatre objectifs photo, sur lequel il joue tout en regardant un film sur son ordinateur portable, après quoi il bascule vers Deezer puis Steam. Il est connecté au monde, avec toute sa technologie et ses baskets Puma tape-à-l’œil.
Un gros graffiti « FUCK THE WORLD » orne le dos de son sweat-shirt à capuche. Un autre genre de rebelle anti-système.
Il a étalé devant lui et dans le vide-poche de l’appuie-tête au-dessus toute la presse qu’il a pu trouver, passe d’un quotidien à l’autre. Quand il en déplie un, ça fait comme une aile de mouette qui répand l’odeur de plus en plus rare de la pulpe du papier et de l’encre qui noircit les doigts.
La même campagne dans l’autre sens a deux centimètres de neige. On joue à croire qu’il y en a plus. Les mêmes herbivores dans les mêmes champs se détachent, hier sur fond vert, aujourd’hui sur fond blanc.
Me revient en mémoire l’exercice de dessin d’école primaire où on peignait sur papier noir un décor d’hiver à coups de gros pâtés de gouache blanche. Je souris comme un môme en regardant dehors sous l’œil perplexe de mon voisin.
J’avais noté dans un coin, lors d’un autre passage en gare, encore une petite notule. Je ne sais plus si je vous l’ai déjà partagée, alors la voilà.
L’escalator grince un peu. Il fait trois notes un peu plates et longues, qu’il répète à intervalles réguliers intercalés de silence. Un refrain sonore et des couplets muets. Ah oui, je reconnais : c’est Summertime !