Elle doit avoir quarante-cinq ans, la tête penchée en avant qui fait ressortir un peu les rides du cou et les pattes d’oie au coin des yeux. Des cheveux blonds coupés au carré, ondulés, presque flous.
Elle a dans la main un cahier agrafé à l’italienne qu’elle lit de près, trop serrée qu’elle est sur son siège de RER ; la couverture est ornée de motifs de papier huilé, à l’intérieur des partitions.
Je laisse mon regard posé sur elle, quelques secondes, arrêté par cette langue étrangère. Quant à la femme, elle la lit couramment.
Comme dans les films, elle élève légèrement la main gauche, et se met à marquer les accords d’un violoncelle imaginaire. Sa tête ondule au rythme de la musique qu’elle lit, comme dans les films.
Après quelques minutes, elle se lasse, range sa partition, sort son téléphone flambant neuf, se redresse, et tape à toute vitesse des SMS en souriant. D’après son visage encore assez lisse, on ne lui donne pas plus de trente-cinq ans.
Elle a perdu dix ans en un instant.