Sacripanne et moi gambadions dans les prés comme n’importe quelle gamine à nattes dans un générique de la Petite Maison dans la Prairie quand, au détour d’un fourré d’épis de blé sauvages comme la Pangée avant son éclatement, elle émit une remarque sur le fait que quand elle part en déplacement, soudainement et par manque de chance, les rejetons en âge de ne pas envoyer de SMS déclarent des maladies bénignes et/ou pénibles, c’est selon. En tout cas, intempestives, les maladies.
Alors chère Sacripanne, laisse-moi te narrer une histoire qui va te faire narrer. Marrer.
Ou pas, c’est selon, c’est toi qui verras. Gageons en tout cas qu’elle apportera à ta réflexion l’eau du petit moulin, t’en souvient-il, où enfants nous devisions gaiement tout en gambadant dans les prés-que-voir-plus-haut.
Adoncques, lorsque les miens bambins étaient en âge de déclarer toutes sortes de maladies infantiles autant qu’intempestives, j’habitais encore avec leur mère et j’étais souvent en déplacement. Ceci, notons-le en passant, n’est pas forcément dû à cela.
Toujours est-il que les enfants tombaient malades très souvent, tandis que je m’égayais avec mes doux collègues aux yeux de braise dans les rues bigarrées de Lyon, Nancy, Marseille, que sais-je, tous ces endroits exotiques me donnent encore aujourd’hui le tournis. Folle jeunesse.
J’appelais un soir ou deux par séjour, parce que quand même ça se fait. On a beau profiter d’être entre collègues pour une petite binouze, on n’en est pas moins attaché un peu à son foyer, car c’est là qu’on y a ses pantoufles.
Très souvent la mère de mes enfants m’expliquait que vraiment, c’est pas de bol et toi t’as bien de la chance d’être loin, mais untel des deux garnements avait telle ou telle maladie chiante mais sans gravité. Mais chiante [1].
Un jour nous découvrîmes [2] que les enfants avaient quand même une tendance accrue à la maladie intempestive quand je partais en déplacement. Ou, à tout le moins, nous pensâmes [3] qu’il y avait une possible corrélation entre mon déplacement et leurs petites maladies.
Et nous décrétâmes [4] alors qu’il manquait quelque chose : je disais « Allez, je file » avec ma valise, mais j’oubliais, pensant que c’était évident, de dire à mes n’enfants que je revenais dans tant de jours. Entre adultes nous avions évidemment échangé [5] toutes les informations, mais aux enfants j’avais oublié de donner un détail d’importance : je reviens tel jour. À titre expérimental, la fois suivante nous avons pris le temps de discuter : Voilà, je pars tant de jours, aujourd’hui on est tel jour, ça fait tant de dodos, et je reviens tel jour.
Et je vous parle d’un temps où la notion même de calendrier leur était encore un peu étrangère, ou à tout le moins floue (de mémoire, entre la nounou et les premières années d’école maternelle, soit entre 1 et 5 ans environ).
Hé bien, croyez-le ou pas, mais à partir de ce moment-là, les maladies intempestives ont à peu près complètement disparu. C’est assez magique, nous venions de découvrir à nos dépens la maladie psycho-somatique chez l’enfant en parfaite santé par ailleurs.
Magique !, s’exclama-t-il en reprenant sa course folle dans le pré de la Petite Maison, puis s’arrêtant pour aller baguenauder parce que c’était un joli mot.