Il y a quelques jours j’ai acheté un ballon de basket. Les enfants avaient appris à dribbler le week-end précédent avec un ballon de foot, qui comme chacun sait n’a ni le même rebond ni la même préhension.
Ni une ni deux, nous sommes allés au stade ensemble samedi dernier étrenner le ballon sur les terrains en libre-service. Ceux qui me connaissent savent que le dernier qui m’a vu faire du sport n’est pas jeune !
Vous ai-je déjà dit que j’ai fait du basket dans un club ? Quand j’étais enfant, mon père était un sportif assez actif : il avait été coureur de fond au collège technique, et gardait intact le plaisir de se défouler sur un terrain. Nous le suivions donc régulièrement pour des rencontres entre clubs, et l’imitation du père étant ce qu’elle est, j’ai fini par faire trois ans de basket.
Oui mais.
Ce que ma famille appelait « un petit défaut à l’œil, » c’est que qu’on se refusait alors à appeler un handicap (certains mots font si peur). Il m’a donc fallu trois ans de basket pour me résigner à ne pas être capable de monter efficacement en attaque, manquer plus de paniers que n’importe qui dans l’équipe, rater les passes faciles qu’on pouvait m’envoyer.
Quel que soit le sport collectif (ah, interminable corvée du lycée), j’ai toujours subi les moqueries de mes camarades, autant voire plus encore celles de mes profs de sport, qui sont si désagréables et anti-pédagogiques.
J’ai depuis longtemps fait mon deuil de tout « sport co » : à défaut, je continue à pédaler de loin en loin sur mon vélo, prétexte à prendre l’air davantage qu’à entretenir ma santé, et j’emmène les enfants à la piscine tous les trente-six du mois.
Imaginez ma surprise quand je me rends compte que j’ai toujours tous les automatismes, inscrits quelque part dans mon corps : la méthode pour bloquer la balle sans se tordre les doigts, l’élasticité des bras quand on écarte les coudes pour catapulter le ballon en tâchant de viser juste, le petit saut avant de tenter de mettre un panier. Une certaine jubilation du geste, du bras qui enrobe le ballon qui vous revient après un rebond, comme si vous n’aviez jamais cessé.
Pour mes enfants je suis encore pour quelques mois un gros balaise en basket, jusqu’à ce que, comme presque partout, ils fassent aussi bien sinon mieux que moi. Pour l’instant je compense évidemment mieux le handicap à mon âge que quand j’avais huit ans.
Je savoure ma madeleine, adoucie par le temps passé.