Les vieux de la vieille du blog

Il reste des vieux blogs, et deux d’entre eux ont célébré cet été leurs anniversaires.

(On en déduit que je lis avec un retard incommensurable, mais j’étais dans le vrai monde du dehors [1].)

Stéphanie :

Aujourd’hui mon blog fête ses 22 ans. Je venais de rentrer de mon année en Inde. Si l’âge d’or des blogs est derrière nous, je continue, dans mon petit coin du web, à tenter de garder vivant l’esprit de partage qui caractérise les blogueurs d’antan.

Tristan :

Alors franchement, ça paraît fou, j’ai moi même du mal à y croire : il y a 20 ans, je publiais un billet de blog (sans titre à l’époque) qui était le premier d’une longue série. 20 ans plus tard, avec une périodicité franchement aléatoire, je continue de publier.

L’une et l’autre ne sont pas tout seul⋅es, et moi-même qui te parle ai même ici un article de 1998 (bon sang que je n’aime pas mon style d’alors). Tristan dresse une petite liste, à laquelle j’ajoute évidemment Kozlika (qui ne sort plus que rarement de sa retraite), François (idem), Sacripanne (blogueuse à l’ancienne — c’est un genre de compliment admiratif) ; liste non exhaustive.

L’une et l’autre ne sont pas tout seul⋅es, disais-je, mais les blogs qui durent sont tout de même rares. Et c’est un peu dommage, parce que ça raconte sur un temps qui commence à ressembler à un temps long les intérêts qu’on avait à un moment, le contexte aussi [2], et le chemin qu’on a fait, mentalement, en tant qu’individus.

Quant à moi j’ai levé le pied, notamment sur la vie privée que je pouvais exposer, quand je suis devenu un genre de « figure publique » dans le petit milieu du web francophone après les débuts de Paris Web, et que des tas de gens que je ne connaissais pas sont venus m’y lire. Je m’exprime ailleurs, c’est bien aussi. Ou pas, encore mieux peut-être.

De temps en temps je me dis, surtout, que j’encombre le monde avec mes mille et quelques articles, la base de données qui est derrière, et tout ça. À quoi bon, hein ? À quoi bon ? Surtout que quand tu te relis, tu sens qu’il y a quand même des redites, des radotages, parce que les préoccupations n’évoluent pas si vite tandis que se détériorent les neurones à la vitesse d’un cheval au galop dans la baie du Mont Saint Michel dans un film de Roland Emmerich ou quelque chose et retenez-moi je ne sais pas comment je vais finir cette phrase je ne sais pas je ne sais plus je suis perdu je reviens je vais prendre un petit verre d’eau bien fraîche [3].

À quoi bon, donc. Cependant j’ai aussi encore envie, comme aujourd’hui, de me poser pour prendre le temps, ce qu’on ne fait pas si souvent, surtout maintenant qu’on a à portée de cerveau pavlovien la stimulation constante des réseaux sociaux. Comme dit Thomas, ralentir, se taire et écouter.
Je ne sais pas vraiment me taire, mais j’y travaille depuis un moment (et, dans le monde réel, je regarde Thomas faire quand je peux, comme l’autre jour à Paris Web ; c’est inspirant). J’ai déjà commencé à ralentir très sérieusement, on verra où ça nous mène.

Mais je digresse, mais je digresse. Mais on a le droit de digresser, on a des blogs, des espaces à nous où on peut dire ce qu’on veut sans être régis par les règles de publication de plateformes pudibondes (oui, si je veux, je peux même publier une copie de L’origine du monde sans m’entendre dire que oulàlà-nudité-caca-beurk), qui souvent finissent moribondes [4].

Comme dit Tristan :

J’espère bien que je continuerai à bloguer encore longtemps et à héberger ici, sur un service dont j’ai la relative maîtrise, mes contenus personnels !

Ouep, on est chez nous. Longue vie aux blogs indépendants et bon anniversaire à ceux d’entre eux qui ont des anniversaires [5].

Notes

[1Une relation difficile, une séparation, des vacances, un mariage (pas le mien), une conférence, un changement de boulot — je vous dis tout ça dans le désordre, ne faites pas attention, c’est n’importe quoi ces blogs perso.

[2Mygale, Orkut, MySpace, OpenID, DADVSI, on pense bien à vous, pour n’en citer que quelques-uns liés au simple Web.

[3Et encore, je ne te dis pas, lecteurice, qu’en passant j’ai pensé aux axones, qui se détériorent aussi, et où ai-je lu que la dégradation mentale est davantage liée aux premiers qu’aux deuxièmes ? Je suis mon premier interrupteur de conversation ; je me demande si on n’est pas plusieurs sous ce dôme.

[4On notera en passant la consonance poétique de haute volée en ces pages. On peut dire que vous en avez pour votre argent, allez.

[5Oui c’est une tournure faite exprès, je sais qu’en vrai ça arrive une fois par an, allez, allez, passe ton chemin, Capitaine Premier Degré. Va voir ailleurs pour faire ton railleur (tiens voilà que ça me reprend).

Commentaires

  • Matoo (24 octobre 2022)

    J’attends mes 20 ans en avril prochain avec impatience, c’est vrai que ça donne le vertige ces deux décennies. Et en même temps, les blogs sont moribonds depuis tellement longtemps. Hu hu hu. Mais ça n’empêche pas de s’y atteler avec la même énergie du désespoir qui nous animait quand on démarrait tout juste le prêche dans le cyber-désert des années 2000. :D

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  • Stéphane (24 octobre 2022)

    Matoo : Ah, l’énergie du désespoir, carrément ?

    Pour moi c’est une posture sociétale (merde aux GAFAM) autant qu’un hobby (jeter ma logorrhée à la face du monde). 😁

    Répondre à Stéphane

  • Stéphane (24 octobre 2022)

    Backlink à la main, pour citer les jolies formules du Hollandais Volant :

    [L]’âge d’or est mort, mais je continue quand-même, car au fond, on s’en fiche de l’âge d’or.

    Et peu importe si je devais parler dans le vide, ça ne me fera pas m’arrêter non plus, car au fond, on s’en fiche de l’audience.

    Oui, on se fiche de pas mal de trucs sur nos blogs, mais cette indifférence est aussi celle qui fait qu’on est encore là.

    (Et là on fait des liens circulaires, et l’internet s’écroule sur lui-même et entraîne l’univers dans son entropie, nous voilà bien.)

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  • kowalsky (25 octobre 2022)

    C’est compliqué votre histoire d’anniversaire... Faut prendre en compte la date du premier site statique créé (1996, peut-être même bien en 1995...), de l’achat du domaine (2000) ou du passage du site statique en version blog (2004) ? Tout en sachant que je cause dans le vide depuis 2013 :D

    De toute façon ça ne changera pas grand chose vu que je n’ai jamais fêté l’anniversaire de mon site, mais effectivement ça fait un bail quand même :)

    Répondre à kowalsky

  • Stéphane (25 octobre 2022)

    kowalsky : Oui j’en suis un peu au même point que toi, alors je ne célèbre rien non plus, mais je note chez les autres ; c’est réconfortant, d’une certaine manière !

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  • Yves T (28 octobre 2022)

    Même mon statut de retraité, retiré dans une campagne profonde, ne peut m’empêcher de continuer à prendre plaisir à lire ce vieux blog.
    à un de ces jours.

    Répondre à Yves T

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