Il y a quelques mois j’étais dans une gare de RER dont je n’étais pas coutumier, et je consultais les horaires de train, qui sont un peu le sextant de l’homme urbain.
Un monsieur proche de la retraite m’aborde et commence à déblatérer sur plein de sujets plutôt justes, liés à la relativement petite importance de la plupart des choses qui occupent notre temps.
On cause entre autres des horaires , des retards de trains, et on tâche d’en donner la juste mesure : y’a pas mort d’homme.
Je pense souvent à ce monsieur lors des assauts quotidiens des piétons dans les gares que je fréquente, entre les gens qui me poussent et ceux qui font des queues de poisson dans l’espace pourtant réduit qui me sépare de la personne qui est devant moi.
Quant à moi, fort de la leçon de ce vieux monsieur qui en avait vu d’autres (des enfants victimes de la famine et de l’insalubrité par exemple), je cède malgré moi à chaque fois au mépris et à la colère : en quoi le monde aurait-il tellement besoin de vous qu’il vous faille nous bousculer comme une masse inerte sur votre passage ?
Et puis (vous allez vous moquer mais bon) j’entends dans un coin de ma tête Matthieu Ricard me parler de la méditation de compassion (je vous avais prévenus). Peut-être que s’ils arrivent en retard au travail ils risquent de perdre leur emploi. Peut-être qu’ils courent au chevet d’une personne souffrante.
Peut-être qu’ils sont malheureux de leur situation.
Alors tant pis. Si je peux je les taquine d’un petit « après vous, allez-y, je suis sans doute moins pressé que vous » pour un petit peu, quand même, les prendre en défaut. De temps en temps il en est un qui se retourne, qui bredouille un « merci » ou un « oups pardon » et je me prends à croire que tout n’est pas perdu.
Jusqu’à la prochaine fois, au moins !