Je ne connais personne au banquet auquel je suis invité ; je me fais beau. Il y a un genre de dress code de couleur, alors je mets ma chemise noire pour coller au thème. Une écharpe nouée, un coup d’œil dans la glace. Quelques secondes je me trouve impeccable. Et après j’oublie.
Soirée trop bruyante, peuplée de gens que je ne connais pas, que je ne reverrai jamais. Je discute avec une septuagénaire d’un côté, tandis que de l’autre une quinqua comme moi, fine et aérienne, attire le coin de mon œil. Trop fatigué par les jeux de l’amour et du hasard ces temps-ci, je me laisse rêvasser un petit peu tout en faisant semblant de rien, sans presque un mot échangé de toute la soirée, juste quelques sourires et la malentendance qui me décourage (c’est de plus en plus fréquent).
À l’occasion je la regarde partir danser, j’admire sans arrière-pensée les oscillations. Je laisse les échos du passé remonter un peu : la danse comme unetelle, la silhouette comme telle autre.
Je n’entends rien, fatigue (et musique trop forte) aidant ; je ne vois pas grand-chose.
Quand l’heure devient poliment correcte, je me lève et je dis à son oreille « Malheureusement, c’est là que je dois vous fausser compagnie, j’ai un peu de route. ».
Je l’effleure du bout des doigts en partant, elle fait un sourire qui pourrait me faire chavirer. Je décide que non, et c’est la fin.
C’est sympa, aussi, de rêvasser.