Je suis encore dans un train, dans le silence relatif si l’on excepte les bruits de roulements, de moteurs, d’engrenages, de fixations métalliques qui sont un fond dont il est facile de s’abstraire.
J’étais en train de lire et quelque chose attirait mon attention, poussait plus avant que le seuil de ma consience : sur ma droite un homme en veste de costume chinée et cravate à motifs tapait du texte, et chaque retour à la ligne est accompagné d’un « TAP » rageur sur la touche Entrée (oui, tu ne le sais pas si tu ne voyages pas souvent en TGV, mais c’est la succursale du bureau pour pas mal de monde, le train).
Et je me rends compte qu’un autre, un peu plus loin derrière moi, est tout aussi concentré et tout aussi rageusement occupé à détruire sa touche Entrée.
On supposera que la concentration du travail requiert par moments une rythmique pour ne pas somnoler ; ou peut-être des micro-défoulements, qui sait. Après tout moi aussi j’assassine ma touche Entrée quand je suis énervé ; mais ce n’est pas si fréquent.
La plupart du temps quand je tape j’aime que mes doigts dansent sur le clavier, le plus discrètement possible, courir, sauter, jouer, caresser, bondir en silence.
Où l’esthétique de l’existence va se nicher, parfois.