Hier à a11yParis s’est tenue une table ronde sur la formation, et je vous renverrai vers la vidéo quand elle sera en ligne [1].
Ce matin discussion sur Twitter où Élie aborde une question qui fâche, en évoquant le fait que ce sujet peut quelquefois également être rejeté par les étudiants :
Au fait, l’argument N°1 des étudiants qui ne veulent pas se former à l’accessibilité ou à la qualité Web est le suivant : « De toute façon, cela ne nous sera jamais demandé ». L’absence de réaction massive de la part des recruteurs pourrait bien leur donner raison. On fait quoi ?
Véronique répondait succinctement et avec bien du bon sens :
On ne va jamais leur demander non plus de faire un travail inaccessible et de mauvaise qualité (enfin pas de façon explicite), alors ça tient pas.
Ou je leur dit qu’ils ont le droit de rester médiocres, c’est leur choix.
J’ai quant à moi répondu rapidement qu’il faut expliquer que « rarement » et « jamais » ce n’est déjà pas la même chose. La pression sur les entreprises autant que sur les services publics augmente progressivement, pour les raisons suivantes (pondération variable selon qu’on soit acteur public ou privé) :
- risque de bad buzz,
- risque juridique (bien que les Class actions soient une spécialité plutôt anglo-saxonne, nul doute que les associations en France vont finir par recourir à une démarche similaire – sinon au niveau européen),
- risque commercial (15 % de la population à la louche selon l’INSEE, sans compter les seniors).
Ces arguments sont des arguments concrets dans une politique de gestion des risques au niveau d’une entreprise [2]. C’est une obligation, point.
Il se peut, effectivement, que personne ne leur demande lors du recrutement. Cependant je n’ai jamais demandé quand j’ai recruté des intégrateurs s’ils savaient faire des choses de base, compresser une image, valider leur code, que sais-je encore.
Ces mêmes étudiants sont concentrés sur le début, où on leur demande d’être opérationnels. Et, ne nous le cachons pas, devenir expert prend du temps [3] ; et même sans vouloir devenir expert, être capable de maîtriser l’ensemble des compétences d’un métier est un travail de longue haleine.
En résumé :
- On ne leur demandera pas « jamais ». On leur demandera rarement. Mais ce point est anecdotique, finalement. On ne demande pas tout en entretien d’embauche. On ne demande jamais tout, tous les jours, dans la pratique professionnelle, non plus.
- Pour ceux qui se forment au code, on leur demandera aussi rarement de faire un SVG, pourtant c’est du code alors leurs petits doigts vibrionnent déjà d’excitation.
- Pour ceux qui se forment au pilotage de projet, ils ont intérêt à fourbir leur glande « pilotage par le risque » — la non-accessibilité est un risque avéré.
- Pour ceux qui se forment au design (que ce soit du design graphique ou de la conception centrée utilisateur), la non-accessibilité est la garantie de cent fois sur le métier remettre leur ouvrage (et trouver qu’on les fait bien suer et qu’il est tard et qu’ils devraient déjà être rentrés chez eux, mais il fallait un peu écouter les vieux pendant les cours, les enfants).
- Quand bien même on ne leur demandera pas, il faudra bien un jour qu’ils s’y frottent. Et, malgré leur impression, ça arrivera de plus en plus fréquemment.
- Comme le dit Véronique, s’ils visent la médiocrité, c’est leur choix.
C’est un aveuglement à court terme, je ne voudrais pas leur faire trop peur mais ça risque quand même de finir par leur sauter à la figure plus tôt qu’ils ne le pensent. il va falloir écouter en cours, sur ce coup-là. Fermez le ban.