L’état d’urgence, c’est un état transitoire en période de crise. Ce n’est pas un blanc-seing pour que la police fasse n’importe quoi sans contrôle judiciaire.
le 21 juin, le Conseil des ministres devrait examiner le projet de transposition dans le droit commun de bon nombre de mesures qui relèvent de l’état d’urgence, régime d’exception qui renforce les prérogatives de la police et attribue à l’administration des pouvoirs échappant au contrôle du juge judiciaire. En attendant, l’état d’urgence devrait être reconduit jusqu’au 1er novembre. « De telles mesures piétineraient les libertés individuelles et collectives et nous feraient basculer dans un autoritarisme d’Etat », s’est jeudi indigné la Ligue des droits de l’homme.
Un peu plus loin dans le même article :
Plus largement, c’est la douche froide pour tous ceux qui à gauche avaient cru à la sincérité d’un Macron qui dans son livre, Révolution, paru fin novembre, écrivait vouloir sortir « dès que possible de l’état d’urgence » : « Nous ne pouvons pas vivre en permanence dans un régime d’exception […]. Il faut donc revenir au droit commun, tel qu’il a été renforcé par le législateur, et agir avec les bons instruments. »
Cette perspective, une partie des progressistes l’avait accueillie avec soulagement, tant les atteintes aux droits individuels et de manifester - qu’autorise l’état d’exception décrété par François Hollande au lendemain du 13 Novembre et reconduit cinq fois depuis - contrariaient les principes fondateurs de la démocratie. Circonstance aggravante, au-delà des premières semaines d’entrée en vigueur, l’efficacité de ce régime dérogatoire dans la lutte antiterroriste n’a jamais été clairement démontrée. Pourtant, dès la mi-mars, le candidat En marche, dont les chances de victoire à la présidentielle s’étaient considérablement renforcées grâce à son alliance avec Bayrou, avait commencé à nuancer son propos, adoptant une tonalité autrement plus conservatrice.
Éric le dit bien mieux que moi :
Je n’ai pas l’impression que tout le monde mesure la gravité de l’assignation à résidence et de la perquisition administrative.
Il suffit d’avoir des raisons de penser que, peut-être, dans le futur, vous pourriez attenter à l’ordre public. Peut-être. Dans le futur. Autant dire que l’État fait ce qu’il veut, d’autant que la motivation peut être soutenue par des notes blanches non signées auxquelles les juges font toute confiance à priori.
On envisage aujourd’hui de pérenniser ces mesures dans le droit commun. (Mediapart – Le Monde)
Ça serait inimaginable dans la plupart des démocraties. Ça devrait l’être dans la nôtre, mais personne ne se lève.
Pire : Si on en croit les sondages, on va voter en masse et donner une assemblée quasi entièrement affiliée aux promoteurs de ce projet. Hallucinant.
Si lire toutes ces sources est trop long pour vous, je vous invite à écouter la chronique de Xavier de la Porte sur France Culture. Elle est même retranscrite pour ceux qui ne peuvent pas l’entendre, sur cette même page. J’en cite un seul extrait, vite fait :
Le fait même que de telles mesures puissent être envisagées est le pire cauchemar de toute personne un peu soucieuse des libertés (l’avocat François Sureau, qui n’est pas un gauchiste, était venu mardi dernier s’en émouvoir ici même). Mais c’est aussi un usage très retors de la technologie : il s’agit de profiter de son caractère moins contraignant sur les corps (le bracelet électronique, ce n’est pas la prison), de profiter d’une intrusion apparemment moindre (surveiller les ondes, ce n’est pas ouvrir le courrier ou installer des micros dans un domicile), de profiter aussi du fait que nos élus n’y comprennent pas grand chose, pour outrepasser des règles qui sont au fondement de l’Etat de droit. Et voilà comment, parfois, on a envie de se jeter au pied des défenseurs des libertés numériques pour demander le pardon de nos négligences, pour pleurer ensemble sur l’impossibilité d’être légitimiste et confiant dans l’être humain.
Où sont les promesses du candidat Macron ? C’est bien gentil de préparer les législatives en pensant qu’il faut couper l’herbe sous le pied de l’extrême-droite [1], mais il faudrait un peu penser sur le long terme et non plus en arriviste. Ça y est, Président, vous êtes élu. Vous engagez la France et vous engagez votre beau visage de premier de la classe sur un terrain miné. C’est très grave.