Glissement sémantique

Je suis frappé dans les médias de voir qu’on n’appelle plus les réfugiés que « migrants ». J’essaie de comprendre.

Réfugiés

Le réfugié, on sait ce que c’est : une pauvre personne obligée, souvent pour des questions humanitaires (guerre, génocide, …), de tout laisser derrière elle.

Le réfugié, c’est un parent aux yeux tristes, secs d’avoir trop pleuré, avec un enfant hagard dans les bras et un maigre bagage quand il en a un.

Le réfugié, on est facilement capable de s’identifier à lui, donc de le plaindre, de vouloir l’aider, de vouloir le défendre, de s’imaginer à sa place et donc de renforcer la sympathie qu’on éprouve à son égard.

Migrants

Le migrant, c’est une donnée démographique. En plus c’est pratique, il n’est ni immigrant ni immigré. Il passe, il vient d’un ailleurs qu’on ne veut pas savoir et il va dans un autre ailleurs qui est super tant qu’il n’est pas chez nous.

Le migrant encombre la Grèce, mais c’est pas grave, c’est loin et puis la Grèce c’est le tiers-Europe, à part pendant les vacances on n’y va jamais. Mettons-y une barrière.

Le migrant encombre la jungle de Calais, mais c’est pas grave, on va foutre le feu à ses tentes et il finira bien par rentrer clandestinement en Angleterre, et l’Angleterre c’est pareil : à part pendant les vacances, c’est pas chez nous. Il y a la mer pour nous séparer : pratique !

Les médias et les politiques

Quand les médias et les politiques disaient « les réfugiés » nous étions en pleine crise humanitaire, il fallait se mobiliser. Maintenant qu’ils sont devenus des « migrants », ça va, c’est une donnée, comme le PIB. Ce ne sont plus « des familles qui fuient la guerre » mais « des flux migratoires ».

Vous me direz que j’exagère, mais comme disent les copains, les mots sont importants, et l’euphémisme a lui-même valeur politique : le glissement sémantique efface la réalité et la souffrance.

Mise à jour du lendemain : un mien ami partage l’article « Migrant » ou « réfugié » : quelles différences ?

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