Je coupe mon walkman en descendant du train, pour pouvoir savourer les bruits. Un petit oiseau fait le fou sur une branche en inventant des trilles. Je monte doucement à pied vers la maison, dix petites minutes à savourer la douceur d’un mois de juin en écoutant et regardant. Un colvert dans la rivière derrière la gare, un pêcheur en cuissardes qui y barbotte. Hier j’ai vu passer un héron en vol, et ce matin j’ai eu droit à un concert de grenouilles.
Je gravis le côteau, je me retourne et je vois assez loin en contrebas le parc où, demain matin, comme tous les jours en ce moment, les canards se préviendront bruyamment d’un rôdeur (à moins qu’ils ne se battent pour une bouchée de pain) tandis que les grenouilles se chanteront leur amour.
(Interruption d’écriture, moment sans importance pour le lecteur et magie sans cesse renouvelée pour les parents : nous donnons le bain, notre fille s’y calme et nous sourit)
Je suis dans mon salon, ma petite fille boit son biberon dans mes bras. Ça fait trois jours que ce n’était pas arrivé, la faute à mes déplacements professionnels.
Le soleil commence à baisser, et par la fenêtre on peut voir les feuilles du saule se teinter de jaune, comme des grappes de gouttes d’or suspendues aux branches biscornues.
Ma fille se ramollit dans mes bras, elle somnole en têtant ; tout est calme.
Notre chatte est assise sur la table du séjour, elle surveille ce qui se passe dehors et me présente un profil de catalogue. Elle sait que je la regarde, elle se tourne vers moi. Je ferme doucement les yeux, dans le clignement appuyé qui veut dire chez les chats "tu n’as rien à craindre, je suis serein et tu peux l’être aussi". Elle me répond de la même manière, pour me dire qu’elle est en paix elle aussi.
Je suis bien.