Je lisais je ne sais plus où l’autre jour le constat (qu’on a tous fait) qu’on juge un homme en position de pouvoir sur sa compétence, tandis qu’une femme continue à être jugée en partie sur son physique.
C’est comme ça, on est un peu animaux et tout ça. En aparté ce qui m’épate c’est de voir comment à un moment le plumage du mâle a cédé le pas chez l’humain à sa compétence perçue (et donc à sa capacité à s’enrichir, maintenant qu’il n’a plus à montrer que son capital génétique de gros bourrin lui permet de mater les mammouths avec le petit doigt) tandis que le plumage de la femelle reste un élément prépondérant dans sa carrière et dans ses relations sociales.
Parmi les démonstrations de cette domination d’un groupe sexuel sur l’autre [1], une expression montre bien le mépris inconscient : « T’es bien mignonne mais… », expression qui précède généralement une explication qui se résume en « t’as pas compris et le physique ne fait pas tout. »
Je pensais inutile de le dire mais sait-on jamais : je n’utilise jamais cette expression avec des femmes pour les raisons sus-évoquées, mais il faut croire qu’elle est restée quelque part dans un coin de ma tête.
Il y a peu un démarcheur téléphonique jovial m’appelle, malgré mon inscription sur bloctel – oui, vous savez, cet équivalent téléphonique du pissage dans un violon sensé nous protéger du démarchage, mais qui malheureusement fait ricaner nombre de patrons de centrales de téléconseil.
Adoncques, j’ai affaire à un garçon, et tandis qu’il m’explique vraiment jovialement mais de façon brouillonne que non non ce n’est pas du démarchage mais qu’il veut me faire profiter de je ne sais quoi, je m’apprête à le couper d’un « C’est bien mignon tout ça mais… », et paf, je fourche malgré moi et je lui dis « Vous êtes bien mignon mais… » — bref on clôt la discussion assez rapidement mais toujours aussi jovialement. Il me remercie, guilleret (c’est méritoire), et on raccroche.
Je me rends compte qu’au masculin c’est tout aussi réducteur qu’au féminin. Dans un souci d’égalité de traitement et eu égard à mon âge qui avance, je l’ajoute donc à la liste des interjections rigolotes à employer avec mes semblables masculins.