Réinventons le capitalisme

Encore une boulette gouvernementale qui remet en question le postulat de base de la droite. Ils sont fous ces français !

Ça fait une paye maintenant que le capitalisme se voit surtout à travers son expression la plus pointue : le pur et simple libéralisme. Le principe est simple : déréglementons tout ce qu’il est possible de libérer, et partons du principe que le marché se régule tout seul.

Le résultat le plus immédiat est la dissociation complète entre la valeur boursière d’une entreprise et sa valeur réelle sur le marché.

Tenez, un exemple : il suffit qu’une entreprise annonce une grosse vague de licenciements (donc, en réalité, qu’elle perde une partie de sa capacité de production et, partant, de sa valeur réelle) pour qu’automatiquement sa valeur boursière augmente.

Nous sommes donc, salariés des grandes entreprises, devant une situation inédite : en guise de primes annuelles, notre employeur nous offre des actions. Or ces actions augmentent spectaculairement quand on licencie en masse.

Je propose qu’on aille jusqu’au bout du calcul à court terme : pour gagner le jackpot, faisons-nous tous licencier !

Bref, tout ça pour dire que les valeurs morales du libéralisme me sortent par les trous de nez, moi qui suis plus en quête d’humanisme, d’écologie, bref, de ces valeurs qu’on veut nous faire croire contraires à la bonne marche du monde.

Tenez-vous bien : j’envoie même balader les démarcheurs téléphoniques qui me proposent la défiscalisation de mes revenus. Je préfère payer mes impôts, pour participer à l’effort collectif d’entretien des routes, de maintien d’un système de santé pour tous, de l’école gratuite. Et même, je veux que les gens qui n’ont pas d’emploi ne meurent pas de faim et aient de quoi se loger. Quel sale gauchiste, hein ?

Les résultats du libéralisme que nous voyons moins (loin des yeux, loin du coeur), c’est un nouvel équilibre colonial, où grâce aux progrès incroyables des moyens de transports de ce dernier siècle on n’est plus obligé d’importer les esclaves, on peut les laisser fabriquer sur place dans leur misère les biens jetables que nous renverrons aussi sec sans vergogne polluer le monde quand nous aurons fini de jouer avec.

La surprise vient de la droite : ce week-end, vu la crise mondiale et les premières émeutes de la faim qui ont eu lieu dans quelques pays pauvres, et qui ne vont faire que s’accroître, comme le craint à juste titre Dominique Strauss-Kahn, président de la banque mondiale — ce week-end, donc, Christine Lagarde, ministre française de l’économie, disait en interview que certains ont eu le tort de faire passer le profit personnel avant le bien commun. Il serait peut-être temps, dit-elle, qu’on mette en place des moyens de contrôle.

Première nouvelle, dites donc ! On ne le savait pas !

Comment ? Le bien commun ne serait pas une des préoccupations majeures des capitalistes ?

Comment ? Des moyens de contrôle, cette béquille communiste ?

Je suis effaré : le travail de sape idéologique entrepris depuis la fin de la seconde guerre mondiale, qui a voulu nous faire croire que le monde est naturellement capitaliste et qu’hors de ce modèle il n’y a point de salut prônerait donc un modèle fallacieux ?

Après un soupir lent, profond, et douloureusement fatigué, l’auteur de ces lignes se régalerait presque des incohérences gouvernementales, si par ailleurs il ne se disait pas qu’on n’est pas sorti de l’auberge.

Commentaires

  • James (14 avril 2008)

    Stéph’, je t’aime :)

    Répondre à James

  • Pascale (14 avril 2008)

    Et quand j’entends dire, à propos du non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, que : "La moitié des économies ainsi générées, soit plus de 1 milliard en 2011, seront redistribuées aux fonctionnaires"...

    Pareil que dans le privé : fonctionnaires, soyez heureux d’être moins nombreux, vous serez mieux payés ! Cette façon de flatter l’individualisme pour servir la lapidation des services publics me donne la nausée...

    Répondre à Pascale

  • an.archi (14 avril 2008)

    Je suppose que tu dois déjà connaitre ce lien : The Story of stuff.

    Marrant comme l’histoire colle bien avec ton discours...

    Story of stuff

    Répondre à an.archi

  • Stéphane (14 avril 2008, en réponse à James)

    Stéph’, je t’aime

    James, la deuxième couche que je mets dans deux jours va te plaire encore plus, elle est plus près de nos préoccupations quotidiennes. (ça c’est du teaser)

    Et puis moi aussi je t’aime :)

    Répondre à Stéphane

  • Stéphane (14 avril 2008, en réponse à an.archi)

    Non je ne connaissais pas. Merci pour le lien, je suis en train de le regarder.

    Répondre à Stéphane

  • Stéphane (14 avril 2008, en réponse à Pascale)

    Individualisme, lapidation. Le pire c’est que les mots ne sont pas trop forts... Merci Pascale.

    Répondre à Stéphane

  • Michel Cadennes (18 avril 2008)

    En passant... =:o) j’en profite pour laisser une petite note ici, car j’aime bien ce coup de gueule.

    Juste une petite faute : DSK est président du Fonds Monétaire International. La Banque Mondiale est présidée par l’américain Robert Zoellick

    A part ça, c’est fou de penser que la fameuse maxime de Karl Marx « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous » devient, de nos jours, d’une si intense urgence ! Et que la propriété privée reste, pour l’immense majorité de l’humanité, un mythe inaccessible (même chez nous).

    J’ai découvert, il n’y a pas si longtemps (juste avant sa mort) la pensée d’André Gorz, qui est d’une acuité rare, à mon avis, sur toutes ces questions.

    Répondre à Michel Cadennes

  • tib (16 novembre 2008, en réponse à Michel Cadennes)

    Supère vidéo thestoryofstuff !
    Autres contributions de gens sur la même longueur d’ondes !

    Référence à André Gorz

    Sur l’économie

    Sur DSK

    En route vers... ailleurs !

    Répondre à tib

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