Ne rien faire, une semaine

Une semaine de vacances se termine. Après les mois passés, après une année de confinement-couvre-feu perpétuel, la fatigue se fait sentir, alors on n’a rien fait. C’est pourtant passé si vite : comment, déjà samedi ?

On est resté à la maison avec les enfants pour ne pas se mélanger aux gens (une opération bénigne pour l’un des deux à venir lundi, les rendez-vous préparatoires inévitables, bref), et on a accroché quelques cadres.

On a ri avec Alf (beaucoup), les enfants rattrapant enfin un retard fou, depuis toutes ces années où ils regardent le coffret de DVD dans un coin de la bibliothèque. Vous m’objecterez avec raison que c’est très téléphoné et souvent cucul-la-praline, et vous aurez raison. Mais la marionnette s’est inscrite définitivement dans notre Panthéon, et c’est bon de partager toutes ces choses avec mes mômes.

On a ri à d’autres choses aussi, comme Arsenic et vieilles dentelles — d’ailleurs c’est souvent le même schéma : je profite de temps en temps de ma prérogative de père pour dire unilatéralement qu’on va regarder tel film — râlerie de principe de la progéniture, puis rigolade et/ou émotion, puis on convient que ouais bon d’accord tu avais raison. Et de temps en temps ça ne leur plaît pas, et ce n’est pas grave ; au moins on a échangé et généralement on glose sur le pourquoi du comment.

Quant aux enfants, ils ont passé trois heures par jour à se faire des fous-rires sur Minecraft, et j’ai beau regarder depuis longtemps ce qu’ils font, je continue à être perplexe.

Et puis je m’en suis mis plein les yeux avec Frank Pé : une vie en dessins, un recueil d’énormément d’illustrations de… Frank Pé (hé ouais). Je frime en montrant à mon fiston que j’ai dans la bibliothèque L’Élan n’aura jamais d’album et Comme un animal en cage, raretés des débuts ; je m’émeus de la beauté de plein de belles choses, autant que du talent et de la technique. Beaucoup de choses que je ne connaissais pas, et le plaisir immense d’un dessinateur à la main libre. Miam.

Couverture de Frank Pé : une vie en dessins

Aussi, j’ai (re)découvert Mutts, dont j’avais lu il y a très longtemps un recueil (Wake up and smell the roses), grâce à l’excellent travail des Rêveurs, qui le présentent mieux que moi :

Chaque strip animalier insiste sur les relations entre les deux protagonistes et leurs maîtres en introduisant tout une galerie de personnages. Tendres, attachants et drôles, Mutts a été récompensé par de nombreux prix. Tous ces strips du dimanche sont introduits par un logo qui rend hommage ou parodie des œuvres de peintres, dessinateurs, musiciens et réalisateurs.

Un régal. Ce n’est pas forcément hyper marrant, par contre c’est assez bien vu (les chiens, les chats, tout ça), et truffé de références, qui ne manquent pas si on les ignore, et qui sont un régal si on les reconnaît.

Couverture de Mutts : Dimanches après-midi

Toujours chez les Rêveurs, un splendide recueil de Krazy Kat : Les Quotidiennes panoramiques de 1920. J’avais essayé Krazy Kat par le passé, sans vraiment que ce soit concluant, et là c’est un régal. Il faut croire que la traduction (et mon âge à l’époque peut-être) n’aidait pas. Pour citer encore le site des Rêveurs :

Comme l’écrit Derya Ataker dans la préface, en 1920, soit 10 ans après la création de Krazy et Ignatz, exempt de de contraintes éditoriales, George Herriman magnifie ses bandes quotidiennes panoramiques d’une ampleur graphique unique dans sa carrière.

Une exceptionnelle séquence de libre espièglerie, qui dura du 4 mars au 30 octobre 1920, est ici présentée dans un format proche de celui de sa publication originale. Ce sont les plus grands dailies jamais imprimés de quelque strip que ce soit, et parmi le meilleur de la production de Herriman.

1922, voit un autre événement extraordinaire dans la carrière du Kat : le ballet-pantomime jazz Krazy Kat, donné à New York devant des audiences captivées. Les illustrations somptueusement détaillées réalisées par Herriman pour le programme, véritable festin visuel, clôturent cette collection.

C’est foutraque, le décor ne tient pas en place, Herriman pervertit tout — par exemple il numérote les bulles comme c’est d’usage il y a un siècle, mais s’amuse soit à le faire en désordre, soit à le faire en français et en espagnol phonétiques, c’est drôlatique et sympathique et historique.

Couverture du livre Krazy Kat

Première fois de ma vie que je comprends vraiment en quoi ce truc est aussi riche pour notre patrimoine que Little Nemo, son contemporain. Merci les Rêveurs, les éditions sont superbes et le plaisir est grand.

En résumé, on n’a rien fait mais on ne s’est pas ennuyé.

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