Canne blanche

Hier je suis allé dans une pharmacie pas très loin de chez nous qui propose du matériel médical, pour tester les cannes blanches et voir laquelle me conviendrait.

Déjà l’accueil est particulier, puisqu’on ne vous emmène pas à part mais on vous propose les cannes au vu de tout le monde, au guichet où l’on vient chercher ses médicaments quand on a une ordonnance, mais soit. Quand j’ai dit après coup que c’était pour moi, la dame a dit « Ah » d’une façon qui me fait penser qu’elle n’avait pas fait le lien ; elle avait dû penser que je venais me renseigner pour une personne âgée, d’autant qu’elle ne m’a pas proposé une canne qui me serait adaptée. C’est le problème des handicaps invisibles (ou presque invisibles). Allez, je vous raconte en reprenant du début [1].

Je ne vois que d’un œil, l’autre a une présence symbolique minime : c’est souvent plus simple de dire que je ne vois que d’un œil, la plupart du temps le deuxième ne sert à rien. Et je vis en région parisienne, où les piétons sont pressés comme des voitures et font bien plus de queues de poisson qu’en voiture.

Ces braves gens partent du postulat que je les vois arriver, et qu’ils peuvent donc me frôler tranquillement afin de courir mener leur vie importante. Or, si tu m’as suivi, aimable lecteur, gentille lectrice, ne les voyant pas arriver je finis souvent par buter dedans, ou piler au dernier moment. C’est très désagréable de devoir s’excuser tout le temps, sans parler du qui-vive permanent quand je marche dans un lieu public.

J’en ai un peu assez, deux ans de Gare Saint-Lazare, de Châtelet, de Massy-Palaiseau m’ont usé.

Ma fillette hier soir m’objecte que je ne suis pas aveugle, je n’ai donc pas besoin de canne. J’explique la situation, et le gain que je pourrais y trouver : la canne sert autant à préserver trente centimètres d’espace vital [2] qu’à prévenir les collisions trop fréquentes.

Hier donc je suis passé dans une pharmacie me renseigner, tester des cannes blanches. La dame me sort deux modèles, tous deux avec un pommeau ergonomique et un patin en caoutchouc pour ne pas tomber, ce que sur Twitter j’ai appelé des « cannes de vieux » à la grande suprise de plusieurs personnes, donc précisons : ce sont des cannes d’appui utiles pour les personnes plus âgées, dont la vue baisse en même temps que l’autonomie motrice. Les modèles que je recherche ne sont disponibles que sur commande, mais je n’ai pas le courage de demander à la dame si commande équivaut à achat, je lui dis que ce n’est pas grave et que je vais aller voir ailleurs.

Je crois avoir trouvé ce que je cherchais sur la boutique de l’Association Valentin Haüy : on appelle ça des cannes pliantes ou cannes françaises selon l’embout et la poignée.

Mon périple n’est pas encore fini puisqu’il va maintenant falloir trouver la bonne longueur en allant les essayer. Mais j’ai un peu de temps [3].

On verra bien.

Notes

[1Une grande leçon d’Isaac Asimov lue dans une de ses préfaces : pour accrocher le lecteur, il faut commencer in medias res et ensuite remonter le temps pour expliquer comment on est arrivé là.

[2Jusqu’à ce matin j’utilisais le terme de lebensraum mais je viens de voir dans Wikipedia qu’on pourrait se méprendre, vu qu’il a été confisqué par les nazis.

[3J’en rigolais il y a quelque temps avec Delphine : je ne sais pas si je serai plus vite sourd ou aveugle, mais j’ai encore pas mal de marge.

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