Non négociable

Voulons-nous une société pour tous, ou voulons-nous faire de la personne handicapée un citoyen de seconde zone ?

Je découvre un projet de loi, « Elan » le mal-nommé [1], qui veut restreindre les obligations d’accessibilité du bâti telles qu’elles ont été décrites dans la loi de 2005. Des responsables d’associations de personnes handicapées s’expriment :

Le gouvernement actuel, à travers la loi Elan, ose ce qu’aucun gouvernement n’a imaginé ! Passer de 100 % de logements neufs accessibles à 10 % ! Un recul historique ! Et ce n’est pas avec un verbiage savant sur des logements adaptables ou évolutifs que les problèmes se régleront !

Un jour où j’avais rendez-vous chez un client, on devine que je suis « le gars de l’accessibilité », et la conversation glisse vers le sujet de l’accessibilité du bâti dans les logements. Et qu’on ne peut pas mettre des ascenseurs partout, et que les toilettes sont gigantesques et quelle perte de place tandis que les cuisines n’en ont jamais assez, etc.

J’ai vaguement expliqué avant d’entrer en rendez-vous que je ne pouvais pas recevoir de personne en fauteuil chez moi et que c’était bien dommage, et la discussion a poliment dévié sur un autre sujet.

C’est pourtant une vraie question : Mettons que 10 % au minimum des gens ont réellement des soucis de mobilité réduite à ce jour, ça ne me semble pas un chiffre complètement fou. Cependant ces 10 % de gens vont censément aux même endroits que les autres : restaurants, visite chez les copains, salles de spectacles, services publics. Ils n’iraient, dans des bâtiments neufs, que dans 10 % des salles de spectacles, 10 % des restaurants, 10 % des lieux de service public ? Ils ne pourraient choisir, dans du neuf, que parmi 10 % des logements proposés ?

Cette mesure est irresponsable et incohérente politiquement, puisque c’est faire fi du vieillissement démographique où près de 25 % de la population aura plus de 65 ans d’ici une dizaine d’années, sachant la forte aspiration des Français de vivre à domicile.

Sur du bâti neuf, c’est comme sur des sites Web tout neufs : c’est largement moins coûteux de faire accessible du premier coup plutôt que de vouloir rentrer l’accessibilité au chausse-pied quand il est trop tard et que tout est déjà construit.

L’individualisme forcené, le gain facile, le chacun-pour-soi, enfants du capitalisme décomplexé des années 80, sont passés par-là. La question est celle de la société qu’on veut bâtir, et elle est d’importance.

Notes

[1Le vrai nom c’est Projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, proposé en procédure accélérée histoire de pouvoir le passer avant l’été : c’est pratique, ça évite aux citoyens d’avoir trop le temps d’en débattre ou d’en parler à leurs élus.

Commentaires

  • nicod_ (24 mai 2018)

    Étant donné que les gens qui commandent, conçoivent, et construisent les bâtiments sont des hommes, ils devraient aller au bout de leur logique égoïste de réduction des couts et ne mettre que des urinoirs dans les toilettes.

    Répondre à nicod_

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