Le temps de vivre

Toujours dans Offscreen je lis à plusieurs endroits [1] que les gens ont du mal à trouver un équilibre entre vie privée et travail

Par exemple :

I’m trying to improve the whole work/life balance thing. In spite of my big mouth about office hours and the importance of taking holidays, I’m pretty bad about switching off myself. [2]

— Jenna Brinning

I have a very hard time disconnecting from ‘business mode.’ […] I am trying to take more vacations, something I’ve been historically bad at. [3]

— Jon Lax

Il y a même deux pages entières de petites interviews de gens qui se cherchent encore sur le sujet. C’est un problème de fond, dirait-on.

Cela dit, je crois discerner un schéma chez tous les gens qui ont un problème pour donner une part raisonnable à leur vie privée : ils sont jeunes et n’ont pas forcément de famille.

Je continue à penser beaucoup au travail, et chaque nouvelle situation monopolise mon cerveau. Cette nuit par exemple, j’ai fait en rêve de la planification de crise ; je me suis réveillé agité, et évidemment tout était bordélique comme un rêve — rien à en tirer.

Mais pour autant ça n’a rien à voir avec la même vie il y a 14 ans, quand j’ai commecné dans ce méter, où je me levais en plein milieu de la nuit pour noter la résolution de problèmes de code qui m’était apparue à trois heures du matin.

Comme le fait remarquer Karl, on vieillit. Sans doute qu’on se laisse moins emporter, sans doute que la passion, comme en amour, est une chose qui s’aplanit progressivement. Non pas que je ne sois plus passionné, non pas que la vie que nous apporte le web (et ses enjeux sociétaux) ne me passionne plus. Non pas que je n’aie plus de projets autour du web (d’ailleurs il a suffi de lire ce magazine pour retrouver encore des envies chronophages), mais la vie autour avance et il faut être là pour elle aussi.

Dans une semaine mon fiston aura sept ans, je viens de passer un week-end complet avec les enfants à jouer, discuter, vivre.

Peut-être que les gens qui parlent de no-life ne sont pas si loin du compte finalement, mais après tout chacun voit midi à sa porte ; l’important étant de ne pas s’ennuyer : on ne vit qu’une fois.

Notes

[1Vous voyez, quand on me prête un truc, j’en fais bien du profit, hein ?

[2« J’essaie d’améliorer l’équilibre travail/vie privée. Malgré ma grande gueule quand je parle d’heures de bureau et de l’important de prendre des vacances, je ne suis pas très bonne pour me déconnecter. »

[3« J’ai de très grandes difficultés à me déconnecter du “mode boulot.” […] J’essaie de prendre plus de vacances, je suis historiquement très mauvais pour ça. »

Commentaires

  • Anonyme (22 novembre 2013)

    Ca va pas bien avec i ?
    bisous

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  • Cédric (23 novembre 2013)

    Peut-être qu’avec l’âge on apprends aussi que foncer en permanence n’est pas toujours le plus efficace.

    Que se détacher d’un problème et porter son attention autre part peut aussi être très constructif.

    Qu’on aura beau se tuer à la tâche, la liste des projets et envies est un puits sans fond et il faudra quand même faire des choix.

    Que l’on a besoin plus souvent de moments de pause.

    Que l’on a été touché de près ou de loin par le genre d’"accident de la vie" qui te fait réaliser ce(ux) qui compte(nt) et que le temps perdu ne se rattrape pas.

    Qu’on est pas si indispensable et que d’autres feront ce qu’on ne fait pas.

    Que s’arrêter et prendre le temps de vivre n’est finalement pas si difficile.

    Répondre à Cédric

  • Nico (24 novembre 2013)

    Il y a quelque temps, je lisais une revue de « patron », et le conseil était clair : il faut déconnecter 2 jours par semaine si on veut pas finir en burn-out. Alors même si les patrons le disent… :)

    Pour paraphraser Cédric, le temps que j’ai avec mon gosse, personne ne me le rendra un jour. Donc vive l’instant présent.

    Répondre à Nico

  • Sophie G (24 novembre 2013)

    J’ai une autre piste pour ceux qui n’ont pas d’enfants et cherchent à trouver l’équilibre.

    D’autres passions que le travail, aussi prenantes, et qui rendent impossible la connexion permanente.
    On n’a pas encore (heureusement) sous la main des smartphones qui marchent à 5m+ de fond, ce qui laisse le loisir d’observer la vie subaquatique.
    Sur un bateau, il y a toujours une écoute ou un équipier qui demande un peu d’attention, a une bonne blague à raconter ou vous propose un verre (pour les deux dernières propositions les écoutes ne sont jamais volontaires).
    Etc… whatever rocks your boat.

    Répondre à Sophie G

  • Stéphane (24 novembre 2013)

    Anonyme : je ne sais pas qui tu es :)

    Le i est une balise légale, on en a causé il y a un bon moment maintenant dans le groupe de travail HTML5 vu qu’on n’a pas forcément de balise pour tout. Par exemple, « locution étrangère » n’a pas de balise, et donc <i lang="en">no-life</i> me semble tout indiqué, vu qu’il n’a pas de sémantisme en propre.

    Répondre à Stéphane

  • Stéphane (24 novembre 2013)

    Cédric : Entièrement d’accord.

    Répondre à Stéphane

  • Sacrip’Anne (25 novembre 2013)

    Pas en lien avec l’informatique, mais avec les débuts de carrière, j’ai fait partie des ces jeunes dans la vingtaine qui passent des nuits blanches au bureau pour assurer une charrette, première arrivée, dernière partie.

    Et puis j’ai vu mon père, le patron, se faire mettre dehors par un nouvel actionnaire, comme ça, un matin, cartons fait, merci monsieur au revoir.

    Père que je n’ai fait, surtout, que croiser pendant l’enfance, qui, en vacances, passait des heures au téléphone à gérer des trucs du boulot.

    Et à ce moment là je me suis dit que je ne voulais pas que ma vie repose sur le boulot. J’aime ce que je fais, je crois que je le fais bien, avec souvent passion, mais, pas moyen de m’avoir corps et âme.

    Et je n’ai pas l’impression d’être la seule à avoir fait ce genre de choix en entreprise : tant pis pour les grandes promotions, ce qui se passe à côté est au moins aussi important.

    Répondre à Sacrip’Anne

  • cyberbaloo (27 novembre 2013)

    Prendre le temps de vivre, ca s’apprend… et on apprend avec l’âge.

    Quand on a des enfants, les priorités changent, les temps changent.
    Pour ma part il y a eu une remise en question, car tu te demandes comment faire pour tout concilier et ca mène à des concessions / sacrifices car la vie est courte.
    Le plus difficile je trouve est de se poser la question de savoir comment faire la séparation de vie privée / vie professionnelle, je trouve que la limite est fragile en fait si on s’impose pas de limites.

    En fait, je suis en plein dedans et je cherche encore…

    Répondre à cyberbaloo

  • tetue (29 novembre 2013)

    Je vois comme un écho à ce billet d’il y a un presque an, Le choix de la liberté, auquel je répondais justement que je n’avais pas tant de temps pour l’informatique, si passionnante et même libre soit-elle. Parce que passer des jours et des nuits à tripatouiller les systèmes, c’est excitant, mais c’est autant de temps pas passé à aimer (la vie, les gens, la liberté, toussa).

    Je ne me veux ni no-life ni même geeke, pour ne pas perdre de vue l’essentiel. Quand on me demande pourquoi je fais ce métier, je réponds parfois que c’est précisément parce que je n’aime pas les machines : elles sont entrées dans ma vie et je les trouvais chronophages parce que mal fichues, c’est pourquoi j’ai appris à les changer. Du web, du code, du logiciel libre… je n’en fais que dans la mesure où je crois que cela peut libérer… du temps, pour vivre et mieux aimer les gens.

    Répondre à tetue

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