La triste mais édifiante histoire de Norbert Calapoisse, échanson de Justin VI

Il ne sert à rien d’être servile lors d’une guerre civile.

Norbert Calapoisse naquit en 1423, fils de Fulgence Calapoisse, tanneur à la cour du Duc de Lyon, et de Bérénice, née sous le signe du Lion à la cour du Duc du Tarn, femme au foyer, au four et au moulin.

Il vécut une enfance sans histoire, dans la bourgeoisie commerçante naissante, et reçut une éducation classique dans le lycée autogéré anachronique qu’il fréquentait, lycée fondé par des survivants de la fameuse coterie de 1368 à la Sorbonne.

Son françois impeccable le fit vite remarquer : il parlait comme au XVème siècle sans accent ! La cour de Plastron XVIII eut tôt fait de l’adopter comme sensation du moment. Il savait sous la dictée tout écrire, et sous la torture tout dire, insatiable comme un avide scribe.

Tout naturellement, il finit par acquérir auprès du Roy une place de choix pour un roturier, jusques et y compris lors des parties fines où l’on se mélangeait à qui meuh-meuh (autrement dit, on y pratiquait parfois l’amour vache [1]).

C’est tout aussi naturellement que quand Yolande la pieuse, femme de Plastron XVIII, mit au monde le premier héritier, Justin (car ils n’eurent qu’un enfant), on proposa à Norbert Calapoisse le titre et le rôle envié d’échanson du futur souverain. Il se fit alors spécialité de brasser lui-même l’orge et le malt qui finirent par devenir la boisson favorite de la cour.


Le soulèvement populaire de 1487 surprit tout le monde, à l’exception de ses fomentateurs qui s’y attendaient quand même un petit peu.

En moins d’une semaine les démocrates étaient parvenus à retourner l’armée du Général Chandeleur, à détrousser la plupart de la noblesse, et prime du vainqueur, à trousser les noblettes.

Or doncques, voilà-t-il pas que le peuple, aux marches du palais, aux marches du palais, y’avait une belle fille, lon-la. Mais je m’égare. Le peuple, aux marches du palais, sûr de l’issue de la deuxième bataille, attaquait comme un lion la garde royale.

Le dernier carré vaincu, ne restaient plus que la garde rapprochée et notre échanson à l’entour du Roy.

La garde se rendit à l’évidence et mourut comme un seul homme (Plastron était respecté mais pas bien riche). Norbert eut alors ce cri que l’Histoire a laissé dans toutes les mémoires : « Moi vivant, vous ne tuerez pas le Roy ! » L’on ne sait pas si le rire rugissant qui jaillit de la gorge de ses assaillants venait de ce qu’il avait fort piteuse stature en plus d’une mauvaise haleine, ou si, vu qu’ils en avaient maté de plus féroces, leur raison chavirait définitivement.

Oh, vous ricanez, bien tranquilles en lisant cette histoire, calés dans un fauteuil, avec votre Bourbon et un feu de cheminée, mais il faut l’avoir vécu pour savoir quel frémissement vous saisit devant pareille sauvagerie.

Toujours est-il qu’on le ceintura prestement, et qu’il ne fallut plus alors que quelques minutes à l’ire populeuse pour dessouder la tête du reste du corps royal.

L’échanson dont la spécialité toute la vie avait été la bière, déjà défait par la mort de son souverain, fut ensuite lapidé pour faire un peu durer le plaisir et parce que pierre qui roule n’amasse pas mousse.

Il fut le dernier homme de la cour de Justin IV à périr de la vindicte populaire.


Moralité : en France, tout finit par l’échanson.

Notes

[1Une fois par an je vous fais un gag avec « meuh », c’est comme ça, il faudra vous y faire.

Commentaires

  • Coralie Mercier (12 août 2016)

    Quel bijou !
    Contente que tant d’années après je le trouve ; et quel éclat !

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