Derniers achats livresques

Par moments, je suis pris d’une frénésie de livres, tout y passe, autant les supermarchés que les vrais libraires dont c’est la raison d’être.

Par moments, je suis pris d’une frénésie de livres, tout y passe, autant les supermarchés que les vrais libraires dont c’est la raison d’être. J’emmagasine alors un gros paquet de volumes, me promettant à chaque fois de ne pas y retourner tant que je n’ai pas fini tout ce que je viens de mettre dans mon escarcelle. Peine perdue, l’aimant est trop fort.

Voilà ce que j’ai acheté ces quelques derniers mois, et j’en oublie. On n’aura qu’à dire que c’est un inventaire à la Prévert.

Le combat ordinaire, tome 3 : Ce qui est précieux (Larcenet, Dargaud)

Sitôt acheté, sitôt lu. J’ai déjà dit tout le bien que je pense de Manu Larcenet (Sur Presque et sur Les quantités négligeables notamment), je ne peux que le confirmer à la lecture de cet album magnifique.

C’est émouvant, et ça correspond plus ou moins à ce que je ressens dans la vraie vie (on doit avoir le même âge, à deux ou trois ans près). Sur l’amour filial, sur la difficulté à faire cohabiter ses convictions politiques et son embourgeoisement, fût-il léger, sur les choix qu’on peine à faire. Encore une fois, on se laisse bouleverser.

Correspondances (Manu Larcenet et Jean-Yves Ferri, Les rêveurs)

Évidemment j’ai acheté cette petite perle. Comme tout le monde, j’aime avoir une idée de ce qui se passe derrière le rideau poli de la création achevée, voir comment on en arrive là.

Ferri et Larcenet ont eu la très bonne idée de rassembler des dessins qu’ils se sont faxés (si, si), jetés à la face pour rigoler ou pour réfléchir, et on voit comment l’un rebondit sur l’autre — et puis un retour de service tout aussi amusant.

Le bestiaire de Franquin, tome 2 (Marsu Productions)

J’aime cette petite collection à l’italienne de Marsu, qui édite des pages et des pages de croquis de Franquin, s’il fallait encore nous convaincre que c’était un génie du dessin. On comprend en particulier dans ses bestaires comment il a pu partir d’une école classique (on pense évidemment à Jijé) pour finir dans le cartoon exubérant.

On voit l’évolution du dessin naturaliste vers la caricature, et voilà comment tout fonctionne chez Franquin : même quand Gaston file ventre à terre, son anatomie tient debout. Parce que les attaches sont en place, parce que c’est juste trop souple pour être réaliste, mais ça tient debout, je ne trouve pas d’autre terme.

Indigo blue (Ebine Yamaji, Asuka)

Ebine Yamaji est une japonaise sensible qui fait penser à Kiriko Nananan (Blue) — tiens c’est amusant, je n’avais pas fait le rapprochement sur le titre.

Bon, je ne peux rien dire d’autre, juste que c’est sensible, que ça parle de sexualités qui se cherchent, que c’est un peu trouble et romantique ; oui, le romantisme classique, celui de l’amour sans issue, mais aussi le romantisme discret de l’auteur délicat qui effleure une histoire de la pointe de son crayon.

Le ciel au-dessus de Bruxelles, avant... (Bernard Yslaire, Futuropolis)

Oh oui, j’entends d’ici les jérémiades... Yslaire, on ne sait plus bien où il veut en venir, il n’y a qu’à voir XXème Ciel. Hé bien moi, je me suis laissé porter, il n’y a pas de raison que ça change avec cet album-là.

Et ça tombe bien. Parce que ce livre est bien ficelé. Je n’aime pas les bulles illisibles, les effets de typographie ne servent pas forcément l’histoire, mais disons qu’ils nous évoquent le premier Bidouille et Violette, alors on pardonnera...

Mais pour le reste, pour le reste... Je parlais de romantisme, à l’instant ? Bernard Yslaire a toujours laissé ses personnages s’envoler dans des soliloques passionnés, et c’est ce qui séduit le reste d’adolescent que je dois être encore.

Le dessin est magnifique, on entrevoit même les anges du XXème Ciel dans des filigranes subtils. Quant à l’histoire, ah, l’histoire... l’improbable rencontre amoureuse d’un juif de la treizième tribu et d’une jeune musulmane avec une ceinture d’explosifs autour du ventre.

Je ne vous dis pas tout, je ne veux pas vous gâcher le plaisir, mais j’aime la dispute des personnages sur la définition de l’obscénité. C’est très bien vu. Bravo et merci, encore une fois.

Magasin général, tome 1 : Marie et L’arrière-boutique du magasin général (Loisel & Tripp, Casterman)

Une vraie tranche de vie dans le Québec rural, avec des vrais morceaux d’expressions de là-bas, caliss’. Un dessin subtilement mêlé de Loisel et Tripp — heureusement, L’arrière-boutique est là pour nous montrer l’apport de chacun des compères, magnifique carnet de bord qui oppose page à page les crayonnés de Loisel et les encrages de Tripp.

Il ne reste qu’à se retourner vers l’album pour voir les magnifiques couleurs (oui, tout est magnifique) de François Lapierre qui rendent si bien les ambiances (la page 67 est une des plus belles que j’ai vues depuis longtemps). Vivement le tome deux !

La demie-pensionnaire (Didier Van Cauwelaert, Le livre de poche)

J’en ai lu la moitié, dans un train (je passe ma vie dans les trains, ces derniers temps — mais je radote). J’aime Didier Van Cauwelaert, et je finirai très vite ce roman dès que je me serai dépêtré d’Harry Potter (qui est bien plus entêtant que je ne voulais l’admettre en commençant).

J’aime son écriture, légère, coulée et fine. Tout s’enchaîne et fait honneur à la littérature française.

La mécanique des femmes (Louis Calaferte, Folio)

Un jour j’écrirai un article, que je titrerai « mes livres de cul », et je parlerai longuement de celui-ci, et de Warm Up, de Bénédicte Martin. Passons pour aujourd’hui, je ne vais pas m’en sortir si je dois tout dire.

Mettons simplement que la revue Lire est pour beaucoup dans mes achats récents et qu’elle porte bien son nom.

Et tant de choses encore...

En vrac, voilà ce qui traîne à portée de main et que je lirai avant la fin de l’année :

  • Basil et Victoria, tome 4 : Pearl (Édith et Yann, Les Humanoïdes associés). J’aime cette série, qui me régale par son côté pied-de-nez depuis longtemps, qui cite abondamment la culture anglaise du XIXème siècle (Dickens, la reine Victoria, Jack l’éventreur), et qui bénéficie d’un traité visuel toujours excellent.
  • Japon (dirigé par Frédéric Boilet, Casterman). Aventure collective pilotée par Boilet, pêle-mêle d’impressions du soleil levant, je piaffe déjà.
  • Coelacanthes, tome 1 : Noa (Daphné Collignon, Vents d’Ouest). J’ai découvert Daphné Collignon quand elle a travaillé avec Isabelle Dethan (Le rêve de pierres), j’aime son dessin épais, « gouacheux », bref : sensuel.
  • Arq, tome 9 : Feu croisé (Andréas, Delcourt). Je suis un indécrottable fan d’Andréas, malgré toutes les remarques qu’Arnaud continue à me faire à son égard. Il a raison, mais je continue à me laisser porter par les histoires ésotériques et le dessin qui m’hypnotise.
  • L’homme qui rétrécit (Richard Matheson, Folio SF). Une phase de relecture des classiques de la science-fiction. Après Ray Bradbury et George Orwell, c’est Matheson qui s’y colle. La SF a depuis longtemps prouvé qu’elle sert très bien de catalyseur aux inquiétudes de son époque, autant que de moyen de prendre du recul pour y réfléchir.
  • Les éléphants d’Hannibal et Le nez de Cléopâtre (Robert Silverberg, Folio SF). J’aime bien Silverberg. Souvenirs de mon lycée, Les monades urbaines et les questions sur d’autres façons de voir la société (quand j’étais au lycée on parlait encore beaucoup de mai 68, parce que nos parents l’avaient vécu à notre âge).
  • Free soul (Ebine Yamaji, Asuka). La couverture est un croquis séduisant, ça m’a suffi après Indigo Blue. Mais pourquoi les traducteurs trouvent-ils chic de traduire une manga japonaise avec un titre en anglais ? Ça m’échappe.
  • La photographie (édouard Boubat, Le livre de poche). Je ne connais toujours que trop peu de choses dans les arts graphiques, et j’aimerais bien comprendre mieux, absorber de la technique à défaut d’avoir du talent.
  • Billy Budd and Other Stories (Herman Melville, Penguin Classics). Quand on a lu Le vieil homme et la mer, on veut en lire plus. C’est une institution, Billy Budd the sailor, tout de même.
  • Lady Chatterley’s Lover (D.H. Lawrence, Penguin). Léger parfum de soufre, dès la couverture : une photo floue, un peu jaunie, bordée d’une dentelle qui dit déjà qu’on va nous parler des petits scandales de la bourgeoisie d’une époque.
  • Petits tracas et gros soucis de 1 à 7 ans (Christine Brunet et Anne-Cécile Sarfati, Albin Michel). Vous allez rire, mais on ne comprend pas tout à un enfant, même de dix-neuf mois. Nous nous posons des tas de questions toutes bêtes, et ce livre tente d’y répondre.
  • L’herbe rouge (Boris Vian, Le livre de poche). Je ne sais pas pourquoi je l’ai acheté, celui-là. Je cherchais Vercoquin et le plancton, et puis faute de ce dernier j’ai pris celui qui était à portée de main, pour ne pas rentrer bredouille.
  • Botchan (Natsumé Sôseki, Le serpent à plumes). Surprise de l’instant : je venais de lire le tome 4 d’Au temps de Botchan, de Jiro Taniguchi et Natsuo Sekikawa, et je fais un détour (que je ne fais jamais d’habitude) en sortant de la Gare de Lyon. Je prends un passage couvert, tombe sur une librairie qui pavoise avec quelques tomes du Serpent à plumes en vitrine, et celui-ci me saute aux yeux. C’est un signe que je ne peux pas laisser passer.
  • A toi qui n’es pas encore né(e) (Albert Jacquard, Le livre de poche). J’aime Albert Jacquard pour ses engagements autant que pour son cerveau bien fait et qui pose inlassablement les bonnes questions.
  • L’égoïste romantique (Frédéric Beigbeder, Éditions de Noyelles). Vu en soldes, et comme j’ai fini par m’attacher à l’auteur à force de ses chroniques ironiques dans Lire, je n’ai pas résisté.
  • The Brooklyn Follies (Paul Auster, Henry Holt). Sans conteste, Paul Auster est le plus grand auteur anglophone contemporain. À moins que ce ne soit David Lodge ? D’une fois à l’autre je change d’avis, selon que j’aie lu en dernier l’un ou l’autre.
  • Shalimar the Clown (Salman Rushdie, Random House). Auster, Rushdie. Une pierre dans le jardin de la snobitude...
  • Consciousness and the Novel (David Lodge, Penguin). Je parlais de Lodge ? Le voilà à nouveau. Une série d’essais sur la création littéraire, encore une fois pour satisfaire mon goût bien banal pour la genèse de l’oeuvre.
  • Don’t Make Me Think (Steve Krug, New Riders). Rien à voir avec tout le reste : une leçon d’ergonomie appliquée au web. Après tout, c’est mon métier. Je dois en faire une critique pour evolt, je vais m’y appliquer.
  • Photojournalisme, à la croisée des chemins (Olivia Colo, Wilfrid Estève, Mat Jacob, Marval-CFD). Toujours et encore comprendre, regarder et apprendre.

Voilà. J’espère que je ne vous ai pas trop ennuyés ?

Commentaires

  • Fragar (14 avril 2006)

    Tout à fait d’accord avec toi pour Larcenet. J’adore ce qu’il fait, notamment "Retour à la terre" m’a fait rire comme rarement une BD.
    Générationnel, disais-tu ?

    Franquin c’est Michel-Ange, je l’ai toujours pensé. En plus drôle, bien sûr ! (Ah, Spirou et Fantasio version Franquin, dévorés dans l’édition du journal de Spirou d’origine (1953-1957). Merci Papa de les avoir gardés !)

    "La mécanique des femmes", quel bouquin ! Indescriptible, effectivement.

    Dans mes dernières lectures une très bonne surprise : "Lunar Park" de Bret Easton Ellis. Je l’ai commencé avec défiance (auteur à la mode, etc) et au final c’est un bouquin très marrant, vraiment barré (sur les affres de la création et de la paternité) et un portrait au vitriol des banlieues chics américaines.

    Répondre à Fragar

  • Stéphane (19 avril 2006, en réponse à Fragar)

    Générationnel, disais-tu ?

    Ah non, je ne le disais pas, mais c’est le mot que je devais chercher néanmoins. Merci François :)

    Ah, Spirou et Fantasio version Franquin, dévorés dans l’édition du journal de Spirou d’origine (1953-1957). Merci Papa de les avoir gardés !

    Oulà, veinard... Note que je comprends mieux ta bibliophilie...

    Lunar Park de Bret Easton Ellis.

    Oui, ça fait quelque temps qu’on me le conseille. Mettons que je m’y intéresserai quand la pile susdite aura sensiblement diminué...

    Répondre à Stéphane

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